Le programme commun de François Macron et d’Emmanuel Fillon

Quand François Fillon épingle « Emmanuel Hollande » pour tenter d’empêcher des électeurs de voter pour Macron, il devient intéressant de se pencher sur le programme de Fillon comme sur celui de Macron. Les similitudes sont telles que l’on peut aussi parler de François Macron et d’Emmanuel Fillon sur des sujets comme les salaires, le revenu paysan, la sous-estimation des enjeux climatiques par les deux candidats.

Samedi dernier, au cours de son déplacement en Corse, François Fillon ironisé sur son principal adversaire qu’il surnomme désormais « Emmanuel  Hollande». Au regard de ce que sont les projets respectifs de Macron et de Fillon lui-même, le propos du candidat de la droite sont pour le moins imprudents. On en a la preuve en faisant une lecture comparative  du journal de 8 pages que distribue l’équipe de François Fillon et de la brochure de campagne de 32 pages distribuée par les militants d’En Marche. La principale différence tient au fait que Fillon dit « je » quand il fait part de ses intentions tandis que le «nous» remplace le «je» dans l’équipe de Macron. Voici trois points  de comparaison.

Salaires. En page 6, le journal électoral de François Fillon indique: « j’augmenterai les salaires nets en réduisant les charges payées par les salariés. Le gain annuel sera d’environ 350€ par salarié et 700€ pour un couple qui travaille ». On notera ici que cela ne fait que 29€ d’augmentation de salaire par mois, soit à peine de quoi acheter une baguette de pain chaque jour. A titre de comparaison, le salaire brut de Penelope Fillon est passé 3 900€ à 6 900€ par mois au cours de l’été 2002. Il a suffit pour cela qu’elle soit devenue « l’assistante parlementaire » de Marc Joulaud, le suppléant de François Fillon, ce dernier devenant alors le ministre du Travail du gouvernement Raffarin. S’agissant de la  petite augmentation du salaire net promise en 2017 pour tout un chacun par le candidat Fillon, elle se ferait par le biais d’une réduction du salaire socialisé, cette partie de la rémunération qui sert à financer la Sécurité sociale, les caisses de retraite et l’UNEDIC. Ce qui se traduirait par de moindres remboursements en cas de maladie ; par une diminution des retraites dont l’âge de départ serait porté 65 ans par Fillon ; par une moindre indemnisation du chômage. En page 7 de la brochure qui sert de programme au candidat Macron on lit ceci : «  Sans que cela ne revienne plus cher aux employeurs, nous réduirons les cotisations payées par les salariés, par les indépendants et par les fonctionnaires : près de 500€ supplémentaires net par an pour un salaire de 2 200€ nets par mois !». La démarche est exactement la même chez les deux candidats que l’on pourrait effectivement surnommer Emmanuel Fillon et François Macron.

Fillon  et Macron ont ruiné beaucoup de  paysans

Agriculture.  Dans son adresse aux  paysans, François Fillon omet de parler des prix agricoles et renvoie la profession aux contradictions de la politique européenne en ces termes : «  je défendrai une PAC (politique agricole commune) 2020 basée sur la gestion des risques et sur le soutien à l’investissement en maintenant à l’euro près le budget actuel ». Vu ce que subissent les paysans depuis deux ans, il n’y a pas de quoi être optimiste.

Sur le même sujet, la brochure de Macron dit ceci : «nous seront aux côtés des agriculteurs pour qu’ils vivent de leur travail, plutôt que des aides publiques (…) et nous les aiderons à être payés au juste prix». Il faut ici se souvenir du programme commun de François Fillon et d’Emmanuel Macron remontant à 2008. Le premier ministre de Sarkozy faisait voter cette année là une Loi de modernisation économique (LME)  qui a donné de nouvelles armes aux distributeurs pour imposer des baisses de prix à leurs fournisseurs ; lesquels font payer la note aux producteurs de viande, de lait, de céréales de fruits et légumes. Emmanuel Macron a été l’auteur du rapport de la commission Attali. Cette commission fut mise en place par Sarkozy pour aboutir à cette loi que lui demandait Michel-Edouard Leclerc. Les parlementaires de droite l’ont votée et ont ainsi accentué le pillage des paysans par les intervenants de l’aval. Là encore on peut parler du programme commun d’Emmanuel Fillon et François Macron pour ruiner les paysans !

Quand Fillon abandonne le charbon, Macron efface les pics de pollution

Réchauffement climatique. Les phénomènes climatiques extrêmes de ces derniers jours en Colombie, en Australie et ailleurs nous montrent à quel point la nécessité de lutter contre le réchauffement de la planète devient la mère des batailles pour le siècle en cours. Fillon n’en parle jamais dans ses discours. Prudents, les rédacteurs de son dépliant lui font dire ceci : « nous irons vers une économie décarbonée (…) Le charbon sera supprimé dans la production d’électricité (.. .) La qualité de l’air est devenue un enjeu majeur de santé publique. Je veux relever ce défi avec le développement du véhicule électrique et la réduction du diesel».

Pour contribuer à maintenir hausse de la température mondiale  à +2°C d’ici la fin du siècle en cours, il faudrait diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre(GES) comme le rappelle l’accord de Paris sur le climat. La première mesure phare du candidat Fillon consiste à fermer les centrales à charbon. Le candidat de la droite semble ignorer que c’est déjà le cas à peu de chose près. Les centrales à charbon n’ont produit que 1,4% de notre électricité en 2016 contre plus de 72% pour le nucléaire, plus de 17% pour les énergies renouvelables et 6,6% pour le gaz. Pour le reste, faire mine de croire que la lente progression de la voiture électrique va réduire les émissions de GES dans un trafic sur route en hausse constante relève de l’illusion. Surtout quand on concentre les emplois au cœur des agglomérations en contraignant les salariés à se loger en de lointaines banlieues.

L’équipe de Macron écrit que « nous rénoverons 1 million de logements mal isolés d’ici 2022 et en priorité ceux des propriétaires le plus modestes ». Mais elle ne dit pas quels moyens elle dégagera pour cela. Puis elle fait cette annonce révélatrice d’une totale incompétence : « Nous diviserons par deux le nombre de jours de pollution atmosphérique. Nous remplacerons les vieux véhicules polluants en créant une prime de 1.000€ pour acheter un véhicule neuf ou d’occasion moins polluant». La proportion de véhicules polluants en circulation est certes un élément à prendre en compte dans la formation des pics de pollution. Mais ces pics se produisent surtout lors de conditions climatiques particulières. Prétendre dès lors diviser par deux ces pics de pollution via une prime de 1 000€ pour l’achat d’un véhicule moins polluant que le précédant pour prédire une division par deux des pics de pollution est d’une totale stupidité et le signe d’une incompétence notoire sur ce sujet.

Sur les enjeux climatiques comme sur les questions économiques et sociales, le candidat de LR comme celui d’En Marche sont tellement à côté de la plaque qu’ils répondent finalement bien aux patronymes interchangeables de François Macron et d’Emmanuel Fillon.

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