En dépit de signes inquiétants, le climat est un sujet mineur politique

On estime actuellement qu’environ 17 à 20 millions personnes sont actuellement en situation de famine en raison de la sécheresse qui sévit sur la Corne de l’Afrique.

Avec ses importations massives d’huile de palme, l’Europe favorise la déforestation dans les pays du sud. Pendant ce temps, Donald Trump veut tourner le dos aux préconisations de l’accord de Paris sur le climat tandis que la sécheresse dans la corne de l’Afrique plonge des millions de personnes dans la sous-alimentation et la famine. Moins de 18 mois après la Cop 21, les enjeux climatique continent d’être sous-estimés par les décideurs politiques.

En cette première semaine d’avril très printanière en France, l’actualité internationale conduit à s’interroger sur les enjeux climatiques comme sur l’irresponsabilité de la plupart des décideurs politiques des grands pays de la planète sur le sujet. La semaine dernière, les centaines de morts emportés en Colombie par des torrents de boue donnaient une idée de ce que seront les phénomènes climatiques majeurs dans un proche avenir. La semaine précédente, des images similaires nous parvenaient d’Australie, avec des dégâts colossaux dans des zones habitées sur des terrains plats. Moins de 18 mois après la conférence de Paris sur le climat, les signes se multiplient pour nous rappeler que nous sommes confrontés à une double urgence : tout faire pour freiner le réchauffement climatique en essayant de maintenir l’augmentation de la température globale à + 2°C  par rapport à la fin du XIXème siècle ; tout faire en même temps pour adapter nos modes de vie au réchauffement en cours qui, quoique nous fassions, va encore augmenter pendant plusieurs décennies. Or l’actualité de ces derniers jours nous montre qu’on n’en prend pas le chemin. De la déforestation à l’exploitation du pétrole de schiste en passant par la sécheresse qui provoque des famines dans plusieurs pays d’Afrique, l’actualité de ce début de printemps 2017 nous montre  que nous glissons désormais sur une pente dangereuse.

LE BILAN DESASTREUX DE LA PRODUCTION D’HUILE DE PALME. Le parlement européen s’est penché hier sur le rôle indirect joué par l’Union européenne devenue le plus gros importateur mondial d’huile de palme avec 7 millions de tonnes par an dont une partie sert à produire des agro-carburants. Mais, comme cette huile est à la fois la moins coûteuse à produire et la plus facile à travailler – bien qu’étant la plus préjudiciable à notre santé – elle entre dans une grande quantité de préparations culinaires et autres. On en trouve aussi bien dans la pizza surgelée que dans des dizaines d’autres plats préparés et, au-delà, dans des lessives, des crèmes pour le corps humain, dans des produits de maquillage, dans des bougies pour s’éclairer dans les pays dépourvus d’électricité. Alors que l’agriculture industrielle est responsable de 73% de la déforestation dans le monde, le chiffre monte à 40% pour la seule huile de palme, le reste étant effectué pour développer l’élevage et des cultures d’exportation comme le soja  dont on extrait aussi de l’huile tandis que les tourteaux sont très demandé pour nourrir le bétail, à commencer par les vaches laitières. Au-delà du constat, deux élus français du Parlement européen membres du parti de François Fillon écrivent dans un communiqué : « Parmi les différentes solutions avancées, nous saluons particulièrement celle visant à soutenir une production d’huile de palme durable, assurant une grande transparence dans la production et une bonne traçabilité. Ceci tout en permettant le maintien de l’agriculture locale et de ses emplois ». Il faut ici souligner que si des certifications de production « durables » existent dans l’huile de palme comme dans d’autres productions, elles ne concernent qu’une faible partie de la production mondiale dans ce secteur en plein développement. Les députés Michel Dantin et Angélique Delayaye préfèrent occulter cette réalité. Pendant ce temps, dans la région de Malaisie la plus couvertes de palmeraies, seules18% des forêts tropicales ont été préservées.

SÉCHERESSE PROLONGÉE ET FAMINE EN AFRIQUE. Tôt ce mercredi matin, on pouvait lire sur une dépêche de l’Agence France Presse à propos de la situation au Kenya : « Dans les zones les plus reculées, les enfants affamés aux yeux blanchis par l’anémie et au ventre gonflé rejoignent des dispensaires où l’aide alimentaire et médicale arrive au compte goutte, alors que les  carcasses d’animaux morts de faim et de soif s’amoncèlent à l’extérieur des villages. La moitié des puits sont secs ou ne fonctionnent plus, faute de pompes en en état de marche. Les autres, surexploités, deviennent souvent salins ». On estime actuellement qu’environ 17 à 20 millions personnes sont actuellement en situation de famine en raison de la sécheresse qui sévit sur la Corne de l’Afrique. Ces populations affamées habitent en Erythrée, à Djibouti, en Ethiopie, au Kenya, au Soudan et en Ouganda. C’est la faiblesse des précipitation plusieurs années de suite qui entraîne une baisse des récoltes, ce qui se traduit aussi par une hausse du prix des denrées alimentaires dans les zones concernées par la sécheresse. Voilà qui nous donne aussi une idée de l’ampleur que risquent de prendre des migrations climatiques dans les prochaines décennies.

RETOUR EN FORCE DU PÉTROLE DE SCHISTE. Cette semaine encore, une partie de la presse nous indique que la légère hausse du prix du pétrole et les progrès techniques réalisées dans l’extraction du pétrole de schiste rend ce dernier de plus en plus attractif au point que certaines compagnies européennes qui jusque là avaient en portefeuille des droits d’exploitation sur les sables bitumineux du Canada vendent leurs parts à des sociétés canadiennes pour aller investir au pays de Donald Trump. Encouragées par le décret du président américain annulant le « Clean Power Plan » de Barack Obama,  les firmes ExxonMobil, Chevron et Royal Dutch Shell vont investir 10 milliards de dollars dans le Dakota du Nord et au Texas. Pour le moment, des firmes pétrolières se désengagent provisoirement de l’exploitation du pétrole le plus polluant et le moins rentable pour celui qui rapporte un peu plus tout en polluant un peu moins. Mais quand le prix du pétrole augmentera, les majors ne manqueront pas de retourner vers les sables bitumineux.

D’une façon plus générale, on attend avec plus ou moins d’anxiété la position que prendra le président américain d’ici le G7 de la fin du mois de mai concernant l’application de l’accord de Paris sur le climat et notamment l’aide annuelle de 100 milliards de dollars que les pays développés promettaient aux pays pauvres pour adapter leur économie aux conséquences du réchauffement.

Lien