Juste avant d’entamer un dîner officiel avec le président chinois Xi Jinping, reçu dans son palais-résidence de Floride, Donald Trump a annoncé l’opération. « J’ai ordonné une frappe militaire sur une base aérienne de Syrie d’où a été menée l’attaque chimique », a-t-il déclaré, dénonçant le président syrien qui « a arraché la vie à des hommes, femmes et enfants sans défense ». Trump a ajouté : « J’appelle toutes les nations civilisées à chercher à mettre fin au massacre et au carnage en Syrie. » Les frappes sont « dans l’intérêt vital de la sécurité nationale », a-t-il continué.
Ces frappes sont «un signal» envoyé à Bachar al-Assad, ont expliqué les responsables américains. S’il a été précisé que Donald Trump n’avait pas contacté Vladimir Poutine avant ou après l’opération, les militaires américains avaient pris soin de prévenir leurs homologues russes de l’opération, dans le cadre de la procédure de concertation mise en place entre les deux armées dont les avions interviennent en Syrie. Les Américains se sont ainsi assurés qu’aucun avion ou militaire russe n’était présent sur la base syrienne. Selon les évaluations du Pentagone, la base aurait été détruite. De son côté, l’organisation syrienne OSH fait état de quatre soldats syriens tués par le bombardement.Des responsables américains interrogés par le New York Timesont expliqué que la décision de Donald Trump était un message adressé au monde: les Etats-Unis n’accepteront plus l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien et ne rien faire était laisser se banaliser l’usage de telles armes. Selon le secrétaire d’Etat Rex Tillerson, qui se rendra à Moscou le 12 avril, les «Etats-Unis ne peuvent se détourner et rester aveugle». Moscou a « manqué à ses responsabilités en Syrie », a-t-il ajouté, estimant que la Russie avait laissé le régime Assad tricher dans son programme d’élimination des armes chimiques.
En réponse, la Russie a dénoncé «une agression contre un pays souverain». La veille, les Russes avaient mis en garde les Américains contre toute opération militaire, tandis que leur ambassadeur à l’ONU s’opposait à l’adoption d’une résolution par le conseil de sécurité. Les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne avaient élaboré un projet de texte demandant au pouvoir syrien de fournir tous les plans de vols et d’attaque de son aviation ainsi que la liste des commandants en charge des opérations aériennes. Ce projet de résolution demande également à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) d’ouvrir une enquête sur cette attaque et de présenter rapidement ses conclusions.
Lors de cette réunion du conseil, l’ambassadrice américaine brandissait des photos de deux enfants tués à Khan Cheikhoun. Nikki Haley, nouvelle ambassadrice nommée par Donald Trump, annonçait que les États-Unis étaient prêts à prendre des mesures unilatérales en Syrie si l’ONU ne parvenait pas à répondre à l’attaque chimique. « Après la Crimée et l’Ukraine, les Russes essaient maintenant de couvrir Bachar al-Assad, et ce sont des choses que nous n’allons pas laisser passer », ajoutait-elle sur un ton jusqu’alors jamais utilisé par la nouvelle administration américaine contre la Russie.
L’attaque chimique de Khan Cheikhoun est la plus meurtrière depuis celle survenue en août 2013 dans un faubourg de Damas, la Ghouta, et qui avait provoqué la mort de plus d’un millier de personnes. Sous la menace d’une intervention américaine et française, le régime Assad s’était engagé dans un processus d’élimination de ses armes chimiques mais a toujours été soupçonné d’avoir dissimulé des stocks. De plus, l’engagement de ne pas recourir à des armes chimiques a été violé à au moins deux reprises, en 2014 et 2015, selon l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques.
En faisant le choix d’une frappe militaire, Donald Trump a effectué un virage à 180°« Beaucoup de lignes ont été franchies », avait-il insisté mercredi, dans une référence à la « ligne rouge » fixée par Barack Obama sur l’utilisation d’armes chimiques, un avertissement à Assad qui ne fut suivi d’aucun effet en 2013. Donald Trump était d’ailleurs farouchement opposé en 2013 à toute intervention armée des États-Unis en Syrie, les médias se faisant un plaisir depuis hier à rappeler ses tweets de l’époque.
Mercredi, vantant sa capacité « à changer » et sa « flexibilité » face à l’horreur des événements, le président américain dénonçait une « attaque chimique atroce » contre des « gens innocents, des femmes, des petits enfants et même de beaux petits bébés ». « Leur mort fut un affront à l’humanité », a-t-il insisté. Et de prévenir en ces termes : « Mon attitude vis-à-vis d’Assad a beaucoup changé », a-t-il lancé, dénonçant les « actes odieux » du régime qui « ne peuvent être tolérés ».