Un policier a été tué, deux autres grièvement blessés par un assaillant sur les Champs-Élysées, à Paris, jeudi soir. François Hollande annonce « une vigilance absolue, notamment par rapport au processus électoral ». L’État islamique a revendiqué l’attentat dans la soirée.
Patrick Calvar, le patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), auditionné par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 14 février 2017, ne se faisait aucune illusion : « Le niveau de la menace terroriste reste particulièrement élevé. La question n’est pas de savoir si nous serons à nouveau frappés, mais quand et où. » Ce soir, on sait. Les Champs-Élysées, ce jeudi 20 avril. Et ce sont des policiers qui ont été victimes du premier attentat terroriste à faire un mort depuis neuf mois.
À 20 h 50, une Audi s’arrête le long de l’avenue parisienne. Au niveau du 102, à proximité du magasin Mark & Spencer. Un homme descend de l’Audi, muni d’une arme de guerre, et fait feu sur un car de police stationné là. À l’intérieur et à l’extérieur du véhicule sérigraphié, des membres de la 32e compagnie d’intervention de la direction de l’ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris (DOPC). Le conducteur du car, en train de manger au volant, est tué sur le coup d’une balle dans la tête.
L’assaillant prend alors pour cible d’autres membres des forces de l’ordre et en blesse deux, dont l’un grièvement. Une ressortissante étrangère est également légèrement blessée. Leurs collègues abattent l’assaillant. Dans la soirée, le parquet de Paris a saisi la section antiterroriste de la brigade criminelle ainsi que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) d’une enquête en flagrance. Une saisine qui privilégie l’hypothèse d’un attentat terroriste, au regard du mode opératoire, de l’absence de mobile et du contexte. « Les policiers ont été délibérément pris pour cible », a précisé lors d’un point presse Pierre-Henry Brandet, le porte-parole du ministère de l’intérieur.
Selon l’agence Reuters, l’assaillant était déjà visé par une enquête antiterroriste pour avoir proféré des menaces de mort à l’encontre des forces de l’ordre. Il avait été placé en février dernier en garde à vue et interrogé à Meaux (Seine-et-Marne) avant d’être remis en liberté faute d’éléments probants, a précisé cette source proche de l’enquête interrogée par Reuters.
En 2015, il avait également été condamné à 15 ans de réclusion criminelle en appel pour tentatives d’homicides, également contre des policiers, pour des faits remontant à 2001. L’assaillant, alors âgé de 27 ans, avait percuté, au volant d’une voiture volée, un véhicule banalisé à bord duquel se trouvait un policier. Il avait alors tiré sur les occupants de la voiture, toujours selon cette source proche de l’enquête. Deux jours plus tard, en garde à vue, il s’était emparé de l’arme d’un policier et lui avait tiré à trois reprises dessus.
Lors des attentats de janvier 2015, un policier et une policière municipale avaient été tués par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly. Au printemps 2016, c’est un couple de policiers qui avait été égorgé à son domicile de Magnanville, dans les Yvelines, par le terroriste Larossi Abballa. Cette macabre série, à laquelle on peut ajouter les attentats manqués contre des militaires à Nice en 2015 et au Louvre en février, puis à Orly en mars, confirme que les forces de l’ordre constituent des cibles privilégiées des terroristes. « Une fois de plus, les forces de l’ordre sont prises pour cible et paient de la façon la plus tragique leur investissement », regrette Philippe Capon, le secrétaire général du syndicat Unsa-Police.
En trois jours, la question terroriste s’est invitée dans la campagne présidentielle, rappelant cruellement la pérennité de la menace. Mardi, la DGSI et le RAID avaient arrêté deux hommes suspectés de préparer un attentat visant un candidat ou des militants. Avec le drame de ce soir, la pire crainte des enquêteurs depuis de longs mois se réalise : les terroristes tentent par le sang de troubler le jeu électoral.
Dans son audition précitée, le 14 février dernier, Patrick Calvar rappelait que « l’organisation [État islamique] a démontré sa capacité à planifier dans le temps, avec professionnalisme, patience et pugnacité ses actions terroristes », précisant : « Des projets élaborés par Daech, du même type que l’attentat du 13 novembre 2015 à Paris, ont été stoppés, mais nous savons que d’autres sont en cours. » Et Mediapart révélait, à l’occasion de l’attentat déjoué mardi, que l’État islamique avait récemment déplacé plusieurs membres français dans la vallée de l’Euphrate. L’organisation terroriste anticipe là les chutes prochaines de Raqqa et Mossoul, et positionne dans ces zones éloignées des combats certains de ses cadres déjà impliqués dans la planification des attentats en dehors du califat.
Dans une allocution télévisée, François Hollande s’est dit convaincu que la fusillade relevait du terrorisme. Le président français a précisé qu’un conseil de défense aurait lieu vendredi à 8 heures. « Nous sommes convaincus que les pistes qui peuvent conduire à l’enquête et qui devront révéler toute la vérité sont d’ordre terroriste », a-t-il dit dans la cour de l’Élysée. « Nous serons d’une vigilance absolue, notamment par rapport au processus électoral », a ajouté François Hollande, à trois jours du premier tour de l’élection présidentielle.
Le ministre de l’intérieur, Matthias Fekl, a rendu hommage aux policiers :
L’État islamique a revendiqué cette attaque, peu après l’intervention de François Hollande, par son canal habituel de communication, l’agence Amaq, l’attribuant à un homme surnommé Abou Youssef al-Beljiki. Selon le procureur de Paris, François Molins, l’homme, dont l’identité n’a pas été révélée, a été identifié par les enquêteurs.