«Des centaines de nous vont mourir à Raqqa»: témoignage d’une Britannique combattant Daech

La Britannique Kimberley Taylor fait partie d’une des unités féminines combattant Daech en Syrie. La jeune femme de 28 ans n’a pas du tout peur de la mort et est fière de ce qu’elle fait: «Je lutte ici pour une révolution, pour la liberté et pour l’égalité. Je peux mourir en sachant que j’ai vécu».

Kimberley Taylor, originaire de la ville anglaise de Blackburn, avait entendu des histoires sur la façon dont les djihadistes de Daech se glissaient comme des fantômes dans les positions de telle ou telle milice kurde en pleine nuit, mais rien ne l’a préparée aux affres qui l’attendaient en réalité. Là, près de Raqqa, elle a pris sa kalachnikov, a tiré et quelques instants plus tard a aperçu un kamikaze. Dès que leurs yeux se sont croisés, il a actionné sa ceinture d’explosifs.La nuit est une période difficile sur le champ de bataille: silence absolue, brisée par des moments de pandémonium, lit-on dans un reportage du Guardian. Daech pouvait frapper de partout. La base de Kimberley était à environ 10 kilomètres du front, dans les plaines inondables de l’Euphrate. La tactique des djihadistes était de se glisser dans les abris des combattants kurdes endormis et de se faire exploser. Ayant survécu à l’attentat-suicide, Kimberley pouvait se croire chanceuse.

« Bon, on peut dire ça. J’étais complètement recouverte de restes humains, ce qui était assez horrible », se rappelle-t-elle.

Née à Blackburn il y a 28 ans, elle fait partie des troupes terrestres des Unités de protection de la femme (YPJ), une force féminine participant à la libération de Raqqa. Kimberley n’a ni de chaussures militaires à sa disposition, ni de protection, ni de casque. Cependant, elle a un gilet pare-balles et deux grenades. Elle porte également un petit sac avec des bandages, un pansement compressif pour les plaies au torse et un garrot. Sans ce dernier, un soldat blessé pourrait saigner à mort. Mais son accessoire le plus crucial est son fusil, fabriqué en 1978, en Pologne.

La jeune combattante affirme être prête à mourir. « Ils [les terroristes, ndlr] se préparent depuis longtemps [pour les combats à Raqqa, ndlr]. Des centaines et des centaines d’entre nous mourront à Raqqa, je vais perdre tant d’amis », constate-t-elle.Dans un premier temps, le nord-est de la Syrie semblait une terre paisible et abondante lorsque leur unité s’approchait de l’Irak, des champs de blé s’étendaient à perte de vue. Plus loin, des traces du conflit apparaissaient, la route était entourée de villages déserts en ruines.

Selon les dernières informations, plus de 100 000 civils vivent encore à Raqqa, avec 5 000 djihadistes. À l’intérieur de la ville, Daech a planté de nombreux explosifs, on s’attend à des pièges partout, dans les tas d’ordures et dans les motos garées. Traversant les villages le long de l’Euphrate, Kimberley a vu plusieurs usines de bombes: « Vous ne pouvez pas respirer. Si vous restez trop longtemps, vous avez un gros mal de crâne ».

Certains décrivent une ville à peine vivable, les seuls moyens de subsistance étant la vente de nourriture ou l’échange de dollars sur le marché noir. Parmi d’autres horreurs, le sort de la population féminine: Daech a réduit de nombreuses femmes en esclavage. Les YPJ ont déjà libéré 137 d’entre elles.Pour les combattantes comme Kimberley, le fait de tuer des terroristes était bien sûr le principal but, mais ce qui l’a vraiment motivée était la nécessité de libérer les femmes maltraitées. Pour les combattantes YPJ, leurs ambitions pour l’émancipation féminine sont bien supérieures à celles de Daech. En fin de compte, elles veulent détruire la société patriarcale et en reconstruire une égalitaire.

Kimberley n’avait aucune expérience militaire avant de rejoindre les YPJ, mais a été inspirée par la perspective d’éliminer Daech, ainsi que de rendre la société plus égale: « Si je retourne en Europe, je m’ennuierai immédiatement », confie-t-elle. « Ici, je me bats pour une révolution, pour la liberté, l’égalité. Je peux mourir en sachant que j’ai vécu ».

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