1er Mai : protestation contre la police en marge des cortèges syndicaux

Six policiers ont été blessés, dont un grièvement, lundi après-midi à Paris, lors du défilé syndical pour le 1er Mai.

Un CRS sérieusement brûlé à la main et au visage. Cinq autres plus légèrement touchés par des cocktails Molotov: des affrontements entre jeunes cagoulés et forces de l’ordre, en marge des défilés syndicaux du 1er Mai à Paris, ont fait six blessés parmi les policiers, dont un grave. Quelque 150 activistes d’ultragauche vêtus de noir, cagoulés et masqués, Black Bloc et membres de la Confédération nationale du travail (CNT, anarchiste), avaient pris position en face des forces de l’ordre au début du cortège pour perturber la manifestation. Ils ont jeté des projectiles sur les CRS, qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogènes. Un homme avait été interpellé juste avant le début des heurts pour port d’arme prohibé. Du mobilier urbain et des vitrines de magasins ont aussi été dégradés, des scooters, brûlés.

Après s’être opposés pendant des mois sur la loi travail, les syndicats ne sont pas parvenus à s’accorder pour défiler ensemble lundi. «On n’est plus en 2002. Avec la CFDT, il y a une différence d’appréciation de fond sur l’analyse des raisons qui amènent le FN» au second tour, a justifié dans Le Parisien Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Avec FO, FSU et Solidaires, il avait donné rendez-vous à ses sympathisants en début d’après-midi place de la République, à Paris. Quelque 142.000 personnes ont défilé en France, dont 30.000 à Paris, selon le ministère de l’Intérieur (280.000 et 80.000 selon la CGT). Dans tous les cas, c’est infiniment moins qu’il y a quinze ans, lorsque Jean-Marie Le Pen s’était qualifié au deuxième tour. Le 1er Mai 2002, la grande manifestation unitaire de mobilisation contre le FN avait mobilisé environ 1,3 million de personnes dans l’ensemble du pays, dont 400.000 à Paris, selon la police.

«Notre slogan est clair: il faut battre le FN pour le progrès social. Le FN est un parti raciste, xénophobe, antifemmes et libéral», a répété, en début de manifestation, Philippe Martinez. «Celui qui sera élu aura une responsabilité essentielle, quasi historique. S’il ne répond pas aux problèmes posés en termes économiques et sociaux, s’il clive dès le départ, ça veut dire que la situation va empirer», a abondé son homologue de FO, Jean-Claude Mailly. Les leaders syndicaux ont été rejoints quelques instants, avant le départ du cortège, par le dirigeant de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, dont beaucoup de militants participaient à la manifestation.

Dans le cortège, alternent les classiques bannières de défense des droits sociaux, avec des panneaux anti-FN, préparés pour l’occasion. La CGT 93 présente une bonne synthèse de l’état d’esprit général avec sa bannière «Le rempart du Front national, c’est le progrès social.» Emmanuel Macron, l’un des inspirateurs de la loi travail, est régulièrement conspué. «Ni 49-3, ni ordonnance, abrogation des lois Macron», hurle un barbu dans son mégaphone, avant de demander également l’abrogation des lois Touraine…

Les participants s’accordent comme un seul homme sur la critique du FN, mais tous n’assument pas le vote Macron. «Je vais utiliser le bulletin Macron contre le FN. Et ensuite, on se mobilisera. On s’opposera. L’essentiel se jouera par les grèves. Il faut compter sur un troisième tour social», prévient ainsi Jean-Charles. Un autre défile en portant haut un panneau «Ni Le Pen, ennemie des travailleurs, ni Macron, ami de patrons». Ce mot d’ordre est officiellement soutenu par plusieurs fédérations dissidentes de la CGT.

Eux ne sont pas syndicalistes, mais ils n’allaient pas «rester tranquilles comme ça à la maison» : «On a vu sur Facebook qu’il y avait un rassemblement contre le FN, sans savoir qui l’organisait, racontent quatre étudiants sortant du métro République. De toute façon, on s’en fout de qui l’organise, on a besoin de se sentir ensemble, et on a tous le même but, ici!» Sauf qu’«il n’y a vraiment pas beaucoup de monde…, soupire Sarah. En 2002, je me souviens que les gens avaient très peur ; aujourd’hui, ils semblent résignés». Faire barrage au FN, d’accord, mais pas forcément voter Macron. «Il faut descendre dans les rues tous les jours pour que le pouvoir revienne au peuple», assène Emma, qui distribue des prospectus du mouvement Boycott 2017. Une pancarte «Refusons le fascisme!» à la main, Ozan ne veut pas faire barrage au FN mais au «système entier», qu’il juge «pourri». «On ne résoudra pas la crise politique en votant Macron!», clame-t-il. Ni Le Pen, ni Macron, ce jeune au crâne rasé, debout sur une poubelle, veut «la révolution, la violence, un bain de sang pour que certaines personnes prennent conscience que le monde ne tourne pas rond».

L’ambiance était beaucoup plus consensuelle lundi matin, au rassemblement organisé par les syndicats réformistes, la CFDT et l’Unsa, dans le XIXe arrondissement. Ces deux syndicats, qui appellent sans circonvolution leurs adhérents à voter pour Emmanuel Macron, avaient rassemblé quelques centaines de militants. «Je préfère que le Front national ne soit pas au pouvoir, ensuite, nous nous battrons pour qu’au niveau social, comme au niveau démocratique, celui qui sera élu entende qu’il y a un profond malaise dans le pays, a appuyé Laurent Berger, le secrétaire général de la CDFT. Nous saurons le rappeler à partir du 7 mai à M. Macron.»

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