Annoncée durant la campagne présidentielle, la visite d’Emmanuel Macron aux troupes françaises au Mali le 19 mai pose l’enjeu majeur en termes de défense de ce début de quinquennat. La France est-elle menacée d’enlisement au Mali ?
Les défis restent « considérables » au Sahel, selon les mots d’Emmanuel Macron. Il avait promis durant sa campagne une accélération des « actions d’appui à la montée en puissance des forces du G5 Sahel ». Voilà qui pose les enjeux d’un déplacement d’Emmanuel Macron et de la ministre des armées Isabelle Goulard au Mali.
Un déplacement dont les détails ont été tenus secrets jusqu’au dernier moment pour des raisons de sécurité, alors qu’une pluie d’obus s’abattaient sur des cibles militaires et civiles à Tombouctou. Malgré les 4 000 militaires français de l’opération Barkhane déployés dans cinq pays du Sahel, plus de 10 000 militaires et policiers de la Minusma (mission de maintien de la paix de l’ONU) et l’armée malienne, les actes terroristes, auparavant apanage du nord du pays, ont migré vers le centre et le sud.« Je crains que cette présence ne soit pas dissuasive. Elle s’inscrit dans la durée. Une opération onusienne ne peut pas en quatre années aboutir à ce que font d’autres opérations. Je pense au Congo (RDC), à travers la Monurso devenue la Monuc. Une opération qui dure depuis 25 ans », constate Emmanuel Dupuy, président de l’IPSE, inquiets de la multiplication et de la mutation des groupes armés terroristes depuis l’arrivée des forces étrangères, il y a quatre ans.
La motivation religieuse n’est plus le seul moteur de ces mouvements. Lancée en 2013 pour stopper la progression des islamistes armés et soutenir les troupes maliennes, l’opération Serval au Mali a été une réussite, selon le ministre de la Défense d’alors, Jean-Yves Le Drian. Elle n’a pourtant pas éradiqué les djihadistes, qui ne sont d’ailleurs pas les seules menaces: groupes indépendantistes, guérillas d’ordre mafieux œuvrant sur un territoire de près de 1,2 million de km².
« Ils n’ont pas le même référent, mais ont tous le même objectif: remettre en cause la légitimité de l’État central malien », analyse Emmanuel Dupuy. Une situation inquiétante pour les civils, victimes également de « la recrudescence du banditisme et de la criminalité violente. »Pour autant, les islamistes restent l’ennemi public N° 1 au Mali, du simple fait de leur succès. Aujourd’hui, il y a « une sorte d’hybridation, une logique de métastase, où les cellules terroristes sont en train gangréner l’ensemble du Mali. Il ne s’agit pas seulement de groupes armés touareg du Nord, on voit une radicalisation au sein de communauté, notamment Peul et Bambara. »
« Il faudra mieux cibler les actions de coopération que par le passé », estime Jean-Louis Arajol, ancien officier de liaison au Mali de 2007 à 2013. Le nord du pays était tombé en 2012 entre les mains de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda à la faveur d’une rébellion touareg, d’abord alliée à ces groupes, et par la suite évincée. L’intervention militaire française au Mali, qui a fait reculer les islamistes et a coûté la vie à 19 soldats français, a été un des temps forts du quinquennat de François Hollande. Si l’armée française est bien présente, l’armée malienne n’est pas encore prête à assurer la relève: « Aujourd’hui, vous avez en tout et pour tout six compagnies militaires maliennes compétentes pour faire face à l’ennemi, mais c’est trop peu par rapport à la densité du pays », poursuit M. Arajol, aujourd’hui consultant en matière de sécurité et de défense.
Il reste des paramètres que la communauté internationale ne peut gérer: « L’exclusion sociale, l’absence d’État, l’incapacité à se penser dans un avenir professionnel dans des zones éloignées et mal desservies, et souvent délaissées par l’État central » sont les terreaux du terrorisme, note Emmanuel Dupuy.« Il y a une radicalisation qui s’est ressentie au Mali. […] Mais on a toujours eu la chance au Mali d’avoir un Haut Conseil Islamique Malien (HCIM), qui a toujours été modéré et a su contenir cette radicalisation rampante. […] Il faut espérer que les religieux qui tiennent le HCIM puissent continuer à le faire », conclut Jean-Louis Arajo