L’armée nord-coréenne a réussi lundi matin le lancement d’un nouveau missile. La munition, de courte portée, a été tirée du polygone situé près de Wonsan, sur la côte est du pays. Le vol a duré près de six minutes, après quoi le missile, ayant parcouru 450 km, est tombé en mer du Japon. L’altitude de vol avoisinait les 100 km.
« Le missile est tombé dans notre zone économique exclusive, a déclaré aux journalistes le secrétaire général du gouvernement japonais Yoshihide Suga. L’emplacement de la chute a été enregistré à 500 km de l’île Sado dans la préfecture de Niigata et à 300 km des îles Oki dans la préfecture de Shimane. Ce lancement est une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. »
Les spécialistes militaires japonais et sud-coréens, sur la base de leurs propres renseignements et des données radars, ont conclu que la munition testée était un missile de courte portée identique au missile tactique soviétique R-17 (Scud-B ou Scud-C dans la classification de l’Otan). Selon l’Institut international de recherches stratégiques, la Corée du Nord dispose tout au plus d’une dizaine de missiles de ce type. Néanmoins, d’après certains experts militaires, par ces derniers essais Pyongyang a montré qu’il était prêt à se doter de toute une famille de missiles capables d’éliminer des cibles à n’importe quelle portée.
Sans limite de portée
Le R-17 est un missile à combustible liquide à un étage avec des éléments combustibles de longue conservation. Dans l’armée soviétique, il faisait partie du complexe opérationnel tactique 9K72 Elbrous. Le missile est à même d’éliminer une cible se trouvant à une distance comprise entre 50 et 550 km, en fonction de sa version (B ou C). La puissance de l’ogive en mode nucléaire peut aller de 10 à 500 kilotonnes. C’est une arme puissante mais peu précise avec un coefficient d’écart d’environ 450 m. Cette caractéristique écarte la possibilité d’atteindre un bunker renforcé, un navire ou une autre cible isolée. Cependant, en cas d’usage du R-17 contre une région de concentration des forces terrestres ennemies ou contre un quartier urbain, les destructions pourraient être dévastatrices.
Rappelons que le lancement du Scud avait été précédé d’une série d’essais. Le 14 mai, les militaires nord-coréens ont lancé le Hwasong-12 qui a atteint une altitude record de 2 000 km (cette altitude marque une limite conventionnelle entre les orbites circumterrestres basse et moyenne) avant de tomber en mer à 787 km de sa position de lancement. Selon les analystes occidentaux, cette distance n’est pas la limite du Hwasong-12, dont la portée maximale pourrait s’élever à 5 000 km.
Une semaine plus tard, le 21 mai, ont eu lieu les essais réussis du missile à combustible solide de moyenne portée Pukguksong-2. Ce dernier est monté à 550 km et a atteint une cible d’exercice à plus de 500 km. L’enregistrement des essais a ensuite été diffusé à la télévision nord-coréenne. Certains experts ont été surpris par le niveau technologique atteint par Pyongyang: ce missile à combustible solide avait été lancé par un départ à froid, c’est-à-dire depuis un silo, et actuellement tous les pays sont loin d’être capable de construire une telle arme. Le dernier lancement indique que la Corée du Nord est à même de fabriquer tout type de vecteurs d’ogives nucléaires — tactiques opérationnels et stratégiques. Cette année, seul le Taepodong-2 — son principal missile intercontinental avec une portée de 7 000 km — n’a pas été tiré par la Corée du Nord. Il se pourrait qu’on assiste à ses essais dans une semaine si la Corée du Nord décidait de poursuivre la tradition des lancements de dimanche.
Contrainte de se défendre
Manifestement, Kim Jong-un s’efforce de mettre en service de nouveaux missiles. Les essais de trois missiles différents en l’espace de trois semaines pourraient marquer l’étape finale de leur réception dans les forces armées. Certains experts sont persuadés que la Corée du Nord identifie une menace directe émanant des USA et de ses alliés en Asie-Pacifique, d’où cette urgence dans la mise en place d’un parapluie nucléaire échelonné.
« Les États-Unis menacent constamment de régler par la force le problème balistique nord-coréen, déclare l’expert militaire Mikhaïl Khodarenok. Actuellement le temps joue en faveur de Kim Jong-un. Plus il disposera de missiles de différentes classes, plus il sera difficile pour Washington de parvenir à ses fins par la voie militaire. La Corée du Nord cherche à se protéger au plus vite. Du point de vue militaro-stratégique, c’est le seul moyen d’expliquer leur comportement. On a laissé du temps à la Chine pour convaincre la Corée du Nord de « bien se comporter » mais cette tentative ne mènera à rien. Si le régime nord-coréen ressent une menace à sa propre survie, il n’écoutera même pas son principal protecteur. Dans toute cette situation on ne peut accuser que les USA et leurs menaces permanentes. Il faut le dire: personne n’a commis autant de violations du régime de non-prolifération de l’arme nucléaire que les USA. »
Les diplomates russes ont condamné les essais balistiques réalisés en Corée du Nord, tout en soulignant que ce pays était contraint de « jouer en défense ». Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Igor Morgoulov a expliqué que l’une des raisons de l’activité du programme balistique nord-coréen était l’intention de la Corée du Sud — et à terme du Japon — d’adhérer à l’ABM global mis en place par les USA.
Pour sa part, le premier vice-président de la commission du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe) pour la défense et la sécurité Frants Klintsevitch a déclaré que l’unique moyen d’apaiser les tensions dans la région consistait à conclure un accord de paix entre la Corée du Nord et les États-Unis.
« La signature d’un accord de paix entre la Corée du Nord et les USA serait la meilleure solution. Tout le monde serait gagnant, y compris les États-Unis, et surtout le monde deviendrait plus sûr, a déclaré M. Klintsevitch aux journalistes. En signant un tel accord les Américains pourraient également prouver que leurs actions sur la péninsule coréenne ne sont pas dirigées contre la Russie ni la Chine. En tenant compte, entre autres, de la mentalité nord-coréenne, de la situation dans le pays, ce sont les USA qui doivent faire le premier pas. »
Mais il ne faut pas compter sur un tel changement pour l’instant. Le ministre japonais des Affaires étrangères Fumio Kishida et le secrétaire d’État américain Rex Tillerson se sont entretenus lundi par téléphone et ont déjà convenu de renforcer la pression sur la Corée du Nord.