Le groupe djihadiste Maute, également connu comme « État islamique de Lanao », continue de détenir entre 300 et 600 otages dans la ville assiégée de Marawi au sud des Philippines
Les radicaux qui ont prêté serment à Daech opposent une résistance farouche aux troupes du président Rodrigo Duterte, qui a conclu en mai 2017 un accord militaire avec la Russie. Si les radicaux étaient expulsés de la ville, ils pourraient trouver refuge en Indonésie. Les autorités du pays, préoccupées par cette perspective, ont renforcé les mesures de sécurité à titre préventif.
Les chrétiennes mettent un voile pour fuir
Le contrôle établi sur Marawi par les islamistes a tourné à la catastrophe humanitaire: près de 200 000 habitants de la ville, dont de nombreux chrétiens, ont déjà quitté dans l’urgence le territoire contrôlé par les terroristes. Le Hindustan Times rapporte que les chrétiennes ont dû fuir en portant des tenues musulmanes, et notamment le voile islamique — ou hidjab. Les terroristes ont brûlé la cathédrale catholique de Marawi, kidnappé le prêtre et pris en otage les paroissiens.Comme l’explique l’orientaliste et docteure en sciences politiques Natalia Rogojina, l’affrontement entre les islamistes et les forces gouvernementales a pris la forme d’une guérilla urbaine: « Les combats de rue rencontrent une résistance farouche des terroristes, qui laissent derrière eux des mines et retiennent des civils en otage ». Après trois semaines de combats, la situation reste incertaine à Marawi. Selon l’agence de presse Reuters, les forces gouvernementales ne parviennent pas à prendre le dessus sur les islamistes. Aamaq, la revue de Daech, affirme que les djihadistes maintiennent le contrôle sur les deux tiers de la ville.
L’éventuelle apparition d’un avant-poste d’islamistes radicaux en Asie du Sud-Est inquiète l’Indonésie, que seul un détroit étroit avec quelques îles sépare de l’île de Mindanao au sud des Philippines. Le général de Jakarta, Gatot Nurmantyo, pense que Daech dispose de cellules dormantes en Indonésie et que le pays a de quoi être préoccupé par les événements.
L’Indonésie, nouvelle capitale ou simple refuge?
Dmitri Mossiakov, directeur du Centre d’étude de l’Asie du Sud-Est, de l’Australie et de l’Océanie à l’Institut d’études orientales affilié à l’Académie des sciences de Russie, doute que les islamistes veuillent réellement s’installer en Indonésie. « Leur fuite est un signe de désespoir, les forces de Duterte les repoussent », estime l’expert. Selon ce dernier, il est plus probable que la guerre se poursuive aux Philippines où les affrontements entre le gouvernement et les insurgés musulmans perdurent depuis près de 50 ans sous différentes formes. « Aux Philippines il est question d’un financement étranger en provenance directe des pays du Golfe. Tant qu’ils enverront de l’argent, les radicaux philippins continueront de tirer — parfois simplement comme des mercenaires. On les paie et ils tirent: c’est tout », explique l’orientaliste.D’après Dmitri Mossiakov, les perspectives des radicaux en Indonésie sont minces. « Il faut tenir compte de la nature de l’islam indonésien, où il est souvent question d’une superstructure englobant le culte traditionnel des esprits. Bien évidemment, on trouve des Indonésiens prêts à soutenir Daech et il y a eu des volontaires au Moyen-Orient, mais après tout ces criminels ne sont pas si nombreux », estime l’expert.
Les autorités de l’Indonésie, pays musulman le plus peuplé du monde (300 millions d’habitants) ont l’intention de prendre des mesures préventives. Les habitants de l’archipel se souviennent encore de l’un des plus importants attentats islamistes du XXIe siècle en 2002, à Bali, qui avait emporté la vie de 202 personnes, dont des touristes occidentaux. En 2016 les attaques perpétrées par les islamistes ont secoué la capitale du pays, Jakarta.
Les islamistes des mille îles
Viktor Taroussine, directeur exécutif du conseil d’affaires Russie-ANASE (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) et expert du club Valdaï, admet que la situation en Indonésie empire: « Jusqu’à une certaine période le facteur radical et islamique n’était pas présent en Indonésie malgré le fait que 85 % de la population était musulmane. Les choses ont changé. Voici un exemple révélateur: en début d’année le maire de Jakarta, un chrétien, a tenu des propos déplacés sur l’usage du Coran dans la vie quotidienne, a subi de sérieuses injures publiques et a été démis de ses fonctions. »D’après l’expert, la situation se complique à l’approche de la présidentielle — et l’apparition de « réfugiés » islamistes est très importune. « A la veille de l’élection en Indonésie, les sept principales organisations musulmanes ont formé une alliance. Leur consolidation est un mauvais signe car séparément elles ne représentaient pas une force significative, mais désormais, du moins en apparence, elles se transforment en un acteur plus sérieux », craint l’orientaliste.