Les dirigeants des pays du G5 du Sahel ont acté le 2 juillet à Bamako la constitution d’une force antidjihadiste conjointe et débloqué des fonds pour son déploiement à l’automne
Réunis le 2 juillet en sommet sous haute sécurité, les présidents Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Idriss Déby Itno (Tchad), Mohamed Ould Abdelaziz (Mauritanie), Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso), et Mahamadou Issoufou (Niger) ont promis d’apporter chacun dix millions d’euros, qui s’ajouteront aux 50 millions d’euros promis par l’Union européenne, pour constituer une force antidjihadiste.
«Il y a urgence, parce que ceux qui sont en face n’attendent pas», a expliqué Ibrahim Boubacar Keïta, en référence aux djihadistes.
«Pas besoin de réunir tous les financements pour commencer», a renchéri Emmanuel Macron, invité d’honneur, qui a annoncé une aide logistique française équivalente à huit millions d’euros d’ici à la fin de l’année, avec notamment 70 véhicules tactiques et du matériel de transmission et de protection. Le président français a souhaité une mise en place du commandement fin août, ajoutant : «L’important, c’est que cette force conjointe soit pleinement opérationnelle à l’automne, avec les premiers financements débloqués […] et qu’elle ait ses premiers résultats.»
«C’est une avancée majeure pour la sécurité du Sahel, indispensable à nos yeux», s’est-il félicité le 2 juillet devant des expatriés français. «La France l’accompagnera par l’appui de Barkhane et ses 4 000 hommes qui luttent contre les djihadistes au Sahel», a-t-il expliqué.
Face à la dégradation de la situation dans le centre du Mali, limitrophe du Burkina Faso et du Niger, gagnés à leur tour par les violences djihadistes, le G5 avait réactivé en février à Bamako ce projet de force conjointe.
Déployée dans un premier temps aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, avec un effectif initial de 5 000 hommes, basée à Sévaré (centre du Mali), cette force s’ajoutera aux troupes de Barkhane et de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma).
Pour compléter les fonds nécessaires, une conférence des donateurs est prévue en juillet ou en septembre, selon Paris, qui estime qu’une aide allemande serait possible. L’Allemagne participe déjà activement à la Minusma et à la mission européenne de formation de l’armée malienne.
«Première trace de vie»
Mais le président français a enjoint le G5 du Sahel de démontrer l’efficacité de cette force pour convaincre les donateurs, alors que le Conseil de sécurité de l’ONU a salué par une résolution le 21 juin ce déploiement, sans lui délivrer ni mandat ni fonds.
«Ce sera à vous et à vos armées de convaincre que le G5 peut être efficace, dans le respect des conventions humanitaires, pour convaincre nos partenaires», a prévenu Emmanuel Macron. Il a aussi pressé les dirigeants du G5 de mener des réformes institutionnelles et des efforts de gouvernance, appelés par leurs populations.
A Ibrahim Boubacar Keïta, il a redemandé la «pleine mise en œuvre de l’accord de paix» de mai-juin 2015, censé isoler les djihadistes, notamment par une décentralisation en faveur des régions du Nord.
Dans un nouveau geste de défi aux dirigeants du G5, la principale alliance djihadiste du Sahel, liée à Al-Qaïda, a diffusé le 1er juillet une vidéo montrant six étrangers enlevés au Mali et au Burkina Faso entre 2011 et 2017, dont une Française, Sophie Pétronin.
«Ces gens ne sont rien, ce sont des terroristes, des voyous et des assassins», a réagi Emmanuel Macron, tout en se réjouissant d’avoir «pour la première fois depuis des mois une trace de vie de Sophie Pétronin».
«Tous les services de l’Etat sont mobilisés pour la retrouver», a-t-il lancé devant la communauté française, tout en se gardant de toute confidence pour ne pas faire le jeu des ravisseurs.
Le président français a aussi annoncé une augmentation des aides au développement pour le Sahel, via l’Agence française de développement, à raison de 200 millions d’euros sur cinq ans.
Il a ajouté avoir bon espoir que, le 13 juillet, le Conseil des ministres franco-allemand à Paris serait l’occasion d’annoncer une aide allemande au Sahel.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda, en grande partie chassés par une intervention militaire internationale lancée en 2013 à l’initiative de la France.
Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement visées par des attaques, malgré l’accord de paix.