Des millions d’euros seraient blanchis chaque année en Allemagne par la mafia italienne, qui exploite les failles du droit dans ce pays alors que les Allemands, convaincus que la mafia n’existe plus, se croient hors de danger
Dix ans se sont écoulés depuis le massacre à Duisbourg entre les représentants de deux clans mafieux, le pire attentat jamais commis en Europe par la Ndrangheta, la mafia calabraise. Les Allemands, convaincus que la mafia n’existe plus, se croient aujourd’hui hors de danger, mais il n’en est rien.
«La mafia est toujours là pour blanchir l’argent», a prévenu David Ellero, chef du département d’Europol pour la lutte contre les crimes économiques et les crimes contre la propriété, intervenant lors d’une conférence organisée à l’ambassade italienne par l’association «Mafia? Nein Danke!» (Mafia, non merci!).
Et de souligner que l’Allemagne était un vrai paradis pour le blanchiment d’argent, vu sa législation par trop clémente en la matière.
Un autre participant à cette conférence intitulée «Pour la liberté et la sécurité: comment réprimer le crime organisé en Europe», Andreas Frank, spécialiste de la prévention du blanchiment d’argent auprès du Bundestag et du Conseil européen, est du même avis.
«En Allemagne, le risque d’être dénoncé est nul», a expliqué l’expert, ajoutant que, selon les données officielles, le volume de l’argent blanchi en Allemagne chaque année dépassait 100 millions d’euros, alors que les sommes réelles pourraient être bien plus importantes.
Les spécialistes insistent sur l’adoption en Allemagne de lois plus dures, ainsi que sur la conjugaison des efforts en Europe, car tant que la mafia persécutée en Italie trouvera refuge en Allemagne, rien ne changera.
«Celui qui ne veut pas se réveiller un jour sous la dictature, doit lutter contre le blanchiment d’argent, car la mafia, qui se soucie avant tout de son influence politique et économique, ne cesse de recruter dans ses rangs des représentants de ces deux sphères que sont la politique et l’économie», a relevé M.Frank.
L’ancien chef de la police criminelle de Berlin Bernd Finger a signalé pour sa part les liens qui existent entre le terrorisme islamiste et les crimes mafieux.
«La mafia italienne, mais aussi des mafieux d’autres pays, se livrent essentiellement à la vente et à la contrebande d’armes et de matériel militaire aux islamistes et à d’autres groupes terroristes. Il s’agit tout simplement d’un business très rentable», a indiqué l’expert.
Hôtes de marque à cette conférence, les ministres allemand et italien de l’Intérieur, Thomas de Maiziere et Marco Minniti, se sont prononcés eux aussi en faveur d’un renforcement de la coopération dans la lutte contre le crime organisé.
«L’Allemagne veut puiser dans l’expérience italienne en la matière», a déclaré M. de Maiziere.