Après que la Pologne a adopté une législation permettant de démolir les monuments aux soldats soviétiques qui ont libéré le pays de l’occupation nazie, la Russie réfléchit à des sanctions individuelles et économiques au cas où elle serait appliquée
«Les autorités polonaises doivent se rendre compte que leurs actions hostiles dans le domaine de la commémoration ne resteront pas sans conséquences. Des réponses adéquates, qui pourraient avoir un caractère asymétrique, seront entreprises contre la Pologne», a fait savoir le service de presse du ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué adressé au quotidien russe Izvestia. La diplomatie russe a pris cette décision en réponse à la décision de la Pologne d’autoriser la destruction, dans le cadre de la loi qui interdit la propagande du communisme, de centaines de monuments dédiés aux soldats soviétiques morts lors de la libération de la Pologne du joug nazi par l’Armée rouge.
Plusieurs options de rétorsion sont actuellement envisagées par Moscou, d’après Izvestia. Il s’agit notamment de sanctions individuelles contre les hommes politiques polonais à l’origine de cette nouvelle législation, ainsi que des mesures économiques dont «la réduction considérable de la coopération économique russo-polonaise».
Le 25 juillet, la chambre haute du Parlement russe avait demandé à Vladimir Poutine d’introduire des sanctions contre la Pologne. Selon l’un des auteurs de cette requête, le sénateur Oleg Morozov, de telles sanctions peuvent inclure les interdictions de voyage en Russie pour certains citoyens polonais. Il a également proposé de transférer les monuments en Russie au lieu de les détruire. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a précisé par la suite que le président n’avait pas encore pris de décision concernant d’éventuelles mesures de rétorsion.
Le 22 juin 2017, une date hautement symbolique pour la Russie qui coïncide avec le début de l’invasion nazie sur le territoire de l’URSS en 1941, la Diète polonaise (chambre basse du Parlement) avait adopté des amendements à la loi de «dé-communisation», en vigueur depuis le mois d’avril 2017. La loi prévoyait l’interdiction de la propagande de «communisme et autres régimes totalitaires» dans les titres des bâtiments, des routes, des écoles et d’autres objets et établissements. Les nouveaux amendements, approuvés par le président polonais Andrzej Duda à la mi-juillet, permettent d’appliquer la loi aux monuments glorifiant les soldats de l’URSS qui ont libéré la Pologne de l’occupation nazie, à l’exception des monuments situés sur les cimetières et ceux qui ne sont pas exposés au public. 469 objets supplémentaires sont soumis à nouvelle version de la loi, dont 250 ont été érigés en mémoire de l’Armée rouge. Mise en application sous sa forme actuelle, la loi impliquerait la destruction de ces lieux de mémoire vers la fin de 2018.
Les amendements ont causé une réaction aiguë des responsables russes, qui ont estimé qu’il s’agissait d’une «tentative de réécrire l’histoire» et de «noircir la mémoire des troupes soviétiques». La diplomatie russe a réagi par communiqué, qualifiant les actions des autorités polonaises de «provocation immonde» qui «ne restera pas sans réponse».
Au lendemain de l’adoption des amendements par le chef de l’Etat polonais, le ministère russe de la Défense a publié des documents d’archives, tenus secrets jusqu’alors, sur la libération de la Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale. L’armée russe a noté que tous les documents témoignent de la bienveillance de la population polonaise aux militaires soviétiques.
L’indignation contre la nouvelle législation polonaise ne s’est d’ailleurs pas limitée à Moscou, soutenu par Tel-Aviv. La Douma russe et la Knesset, le Parlement israélien, ont chacun adopté, le 19 juillet, des adresses au Parlement européen et aux autres institutions de l’UE dénonçant cette loi polonaise comme une «insulte» à la mémoire des soldats soviétiques et des victimes de la Shoah.
Le territoire de la Pologne a été occupé par les troupes de Hitler de septembre 1939 à février 1945. Près de six millions de Polonais, en grande partie des juifs, ont été tués pendant cette période.
Environ 600 000 soldats et officiers soviétiques ont péri dans l’opération de l’Armée rouge, aux années 1944-1945.