Le Trésor américain a annoncé le gel de tous les avoirs et les biens aux États-Unis de Nicolas Maduro, afin de riposter face à la tenue ce dimanche de l’Assemblée constituante au Venezuela, qui a conforté le président dans son pouvoir. Des sanctions personnelles qui ont finalement été préférées à celles qui auraient frappé le pétrole. Pourquoi?
«Les élections illégitimes d’hier confirment que Maduro est un dictateur qui méprise la volonté du peuple vénézuélien». Cette violente sortie est sortie de la bouche du secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, qui annonçait ainsi le «gel» de «tous les avoirs» que posséderait le président vénézuélien aux États-Unis.
Après la Russie et les entreprises européennes de l’énergie la semaine dernière, l’État américain vise cette semaine le Venezuela, en proie à d’immenses troubles politico-économiques depuis plus de trois mois. Et donc, le président vénézuélien est ciblé par le Département d’État. Maurice Lemoine, journaliste spécialiste de l’Amérique latine et ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique, relativise toutefois la portée de ces nouvelles sanctions:«On nous annonce que les avoirs et les biens de Nicolas Maduro vont être confisqués, c’est ce que retient l’opinion publique. Or en réalité, c’est comique parce que Maduro n’a rien aux États-Unis. […] C’est évidemment une mesure qui a une portée symbolique, déclaratoire.»
Effectivement, difficile d’imaginer Nicolas Maduro, l’héritier d’Hugo Chavez, avec un compte à la Bank of America. Mais pourquoi Maduro a-t-il été visé, alors qu’il semble que les très vives tensions qui règnent actuellement dans le pays résultent de rapports de force moins caricaturaux que ceux qui nous sont présentés par l’administration américaine? Comment expliquer cette vindicte américaine contre Caracas? Maurice Lemoine livre son avis sur le sujet.«Depuis l’arrivée au pouvoir de Chavez, les États-Unis tentent d’en terminer avec ce que l’on va appeler la révolution bolivarienne. Parce que d’abord, le Venezuela a valeur de symbole. Le Venezuela c’était le pays de Chavez […] Donc sur le plan politique, idéologique et économique, c’est une grosse épine dans le pied des États-Unis, donc il faut symboliquement en finir avec le Venezuela.»
Et quelle est la méthode américaine pour en finir avec cette épine dans le pied? Toujours selon Maurice Lemoine, l’opposition vénézuélienne recevrait de nombreux fonds de la part du Département d’État.«Il suffit de lire les rapports du département d’État des Américains, ils ont prévu pour 2017 cinq millions de dollars pour financer l’opposition vénézuélienne. Ce n’est évidemment pas indiqué comme cela, c’est cinq millions de dollars pour appuyer la démocratie et les droits de l’homme au Venezuela, mais ça veut dire que ces cinq millions de dollars vont aller pour financer en particulier la violence.»
Il y a quelques jours, les États-Unis avaient annoncé envisager de nouvelles sanctions contre le Venezuela, mais cette fois-ci sur son secteur pétrolier. Une mesure qui n’a pas pour l’instant été appliquée, mais qui aurait de lourdes conséquences sur l’économie et la stabilité politique du Venezuela, comme l’explique Philippe Sébille-Lopez, directeur du cabinet Géopolia et spécialiste des enjeux énergétiques.
«Il est clair qu’en tapant sur le secteur pétrolier, le Département d’État et Washington précipiteraient la chute du gouvernement Maduro, une crise de la dette, un défaut de paiement de la dette du Venezuela. Or, le Venezuela a besoin des marchés pour continuer à essayer de tourner au ralenti et encore pouvoir importer des produits de première nécessité.»
La question qui vaut ainsi le coup d’être posée, c’est de savoir si Nicolas Maduro risque la destitution avec la mise en place de telles sanctions. Le repoussoir que constituent les États-Unis en Amérique latine pourrait même avoir pour effet de renforcer la légitimité de Nicolas Maduro auprès de sa population. Telle est la position de Thomas Posado, professeur en sciences politiques à Paris VIII et spécialiste du Venezuela.«Face à cela, Nicolas Maduro, qui jouit d’une légitimité démocratique relativement entachée, peut mobiliser le référent de la souveraineté nationale qui est extrêmement fort au Venezuela et mobiliser sa population contre une agression des États-Unis.»
Ainsi comme le rappelle ce dernier, les États-Unis n’en sont pas à leur coup d’essai en matière de coup d’État au Venezuela.
«Le gouvernement américain prend des mesures qui risquent d’être contre-productives, étant donné le passif des États-Unis en Amérique Latine et au Venezuela en particulier. Les États-Unis étaient l’un des deux seuls gouvernements qui avaient soutenu le coup d’État avorté contre Hugo Chavez, un coup d’État qui avait abouti à un gouvernement éphémère de 48 h. »