L’Afghanistan, un « cimetière » pour les États-Unis

L’Afghanistan risque de devenir un «nouveau cimetière» pour les États-Unis s’ils ne retirent pas bientôt leurs troupes, ont déclaré mardi les talibans, en réaction au discours du président Donald Trump.

«Si les États-Unis ne retirent pas leurs troupes d’Afghanistan, [le pays] deviendra bientôt un nouveau cimetière pour cette superpuissance au XXIe siècle. Les dirigeants américains devraient savoir cela», indiquent-ils dans un communiqué. Ils ajoutent que les États-Unis devraient réfléchir à une stratégie de retrait «plutôt que de continuer la guerre». «Tant qu’il y aura un seul soldat américain sur notre sol, et qu’ils continuent à nous imposer la guerre, nous continuerons notre djihad », poursuit le communiqué signé Zabiullah Mujahid, un porte-parole des talibans afghans.

Le président américain a ouvert lundi la porte à l’envoi de soldats américains supplémentaires en Afghanistan tout en accentuant la pression sur le Pakistan, accusé d’être un repaire pour « des agents du chaos » et évoquant un possible dialogue entre Kaboul et les talibans. Dans un discours à la tonalité solennelle d’une vingtaine de minutes, Donald Trump n’a donné aucun chiffre ou aucune échéance dans le temps, jugeant que c’était «contre-productif», mais a martelé sa conviction qu’un retrait précipité d’Afghanistan créerait un vide qui profiterait aux «terroristes», d’Al-Qaïda comme du groupe État islamique. Seize ans après les attentats du 11 Septembre qui avaient poussé les États-Unis à lancer une vaste offensive pour déloger le régime taliban au pouvoir à Kaboul, le fragile édifice démocratique afghan est menacé par une insurrection déstabilisatrice. « Mon instinct initial était de se retirer […], mais les décisions sont très différentes lorsque vous êtes dans le Bureau ovale», a d’entrée souligné le président américain dans une allocution très attendue depuis la base de Fort Myer, au sud-ouest de Washington.

En 2013, Trump voulait que l’armée quitte l’Afghanistan

Revenant sur la plus longue guerre de l’histoire des États-Unis, Donald Trump a lancé une vive mise en garde à Islamabad, accusé de servir de facto de base arrière aux talibans. «Le Pakistan a beaucoup à gagner en collaborant à nos efforts en Afghanistan. Il a beaucoup à perdre en continuant à abriter des terroristes», a-t-il asséné. «Cela doit changer et cela va changer immédiatement !» Consciente que Washington pourrait une nouvelle fois durcir le ton, l’armée pakistanaise avait pris les devants. Quelques heures avant le discours présidentiel, elle avait martelé que le Pakistan n’abriterait plus « aucune structure organisée d’aucun groupe terroriste ». Le mois dernier, le département américain de la Défense a suspendu 50 millions de dollars d’aide militaire, jugeant qu’Islamabad ne faisait pas assez contre le réseau Haqqani, allié des talibans afghans. Ce réseau basé à la frontière pakistano-afghane a longtemps été considéré comme lié aux services secrets pakistanais, l’ISI. Mais le président américain a aussi lancé un avertissement au régime de Kaboul. «Notre engagement n’est pas illimité, notre soutien n’est pas un chèque en blanc», a-t-il martelé. «Les Américains veulent de vraies réformes et de vrais résultats », a-t-il lancé dans ce discours qui lui offrait une occasion d’adopter une posture plus présidentielle après deux semaines chaotiques qui ont considérablement terni son image.

Quelque 2 400 soldats américains sont morts en Afghanistan depuis 2001, et plus de 20 000 y ont été blessés. En 16 ans, les États-Unis ont versé plus de 110 milliards de dollars d’aide à la reconstruction. Donald Trump a laissé la porte ouverte à un dialogue avec certains rebelles : «À un moment donné, après un effort militaire efficace, peut-être qu’il sera possible d’avoir une solution politique incluant une partie des talibans en Afghanistan.» «Mais personne ne sait si ou quand cela arrivera», a-t-il ajouté. Son secrétaire d’État Rex Tillerson a précisé peu après que les États-Unis étaient prêts à soutenir des pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les talibans « sans condition préalable». Il s’agissait de la première annonce présidentielle depuis le départ, vendredi, de Steve Bannon, conseiller stratégique très controversé. Ce dernier, chantre de «L’Amérique d’abord» et avocat d’une ligne résolument isolationniste, était opposé à un nouveau déploiement de soldats dans la région. Avant d’accéder à la Maison-Blanche, Donald Trump avait plusieurs fois exprimé sa préférence pour un retrait du pays. «Quittons l’Afghanistan », écrivait-il sur Twitter en janvier 2013. «Nos troupes se font tuer par des Afghans que nous entraînons et nous gaspillons des milliards là-bas. Absurde ! Il faut reconstruire les USA».

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