Des navires de guerre américain ont été victimes d’une série d’incidents ces derniers temps en Asie, dont une nouvelle collision meurtrière cette semaine au large de Singapour, ce qui oblige l’US Navy à se demander si elle pourrait être victime de cyberattaques.
Certains spécialistes jugent improbable que des personnes ou entités puissent orchestrer un tel accident, compte tenu des systèmes de sécurité américains et de la logistique qu’il faudrait déployer pour faire converger deux navires. Mais pour d’autres, il n’est pas satisfaisant d’imputer la série noire à l’erreur humaine ou à la coïncidence.
Le destroyeur USS John S. McCain est entré en collision avec un pétrolier lundi alors qu’il faisait route vers Singapour pour une halte de routine.
Le chef des opérations de la marine américaine, l’amiral John Ridcharson, n’a pas exclu lundi qu’un facteur extérieur ou une cyberattaque puissent expliquer l’accident, tout en soulignant qu’il ne voulait pas préjuger des résultats de l’enquête.
« Nous envisageons toutes les possibilités », a-t-il déclaré. « Comme nous l’avons fait avec le Fitzgerald ».
Deux mois auparavant, le 17 juin, sept marins avaient péri dans un accident entre le destroyer USS Fitzgerald et un porte-conteneurs au large du Japon.
Deux autres incidents, davantage passés inaperçus, sont survenus cette année dans le Pacifique. En janvier, l’USS Antietam s’est échoué près de sa base japonaise et en mai l’USS Lake Champlain est entré en collision avec un navire de pêche sud-coréen. Il n’y a pas eu de victimes.
Aucune piste écartée
L’amiral Scott Swift, commandant de la flotte Pacifique, s’est refusé à exclure un acte de sabotage s’agissant de l’accident de lundi, soulignant que toutes les hypothèses étaient à l’étude.
« Nous n’écartons aucune piste », a-t-il dit, comme on l’interrogeait sur la possibilité d’une cyberattaque.
Les analystes sont partagés à ce sujet. Certains estiment que les équipages pourraient tout simplement être surmenés à cause de la myriade de tâches qu’ils mènent dans la région. Ils soulignent aussi que la navigation est délicate dans ces mers sillonnées par les navires marchands.
D’autres jugent que quelque chose de plus sinistre pourrait être à l’oeuvre.
Itar Glick, chef de l’entreprise de cybersécurité Votiro, établie en Israël, estime possible que les systèmes GPS des bâtiments américains aient été sabotés en vue de provoquer des erreurs de calcul dans les positions.
« Je crois que des pirates pourraient tenter de le faire. Et s’ils sont soutenus par un Etat, ils pourraient disposer des ressources nécessaires pour organiser ce type d’attaque », dit-il à l’AFP.
M. Glick, qui indique avoir travaillé pour les renseignements israéliens, juge que la Chine et la Corée du Nord seraient alors les coupables les plus vraisemblables.
Les tensions entre Pyongyang et Washington sont à des sommets alors que la Corée du Nord avance à grand pas dans ses programmes nucléaire et balistique.
Le Nord a été soupçonné dans une série de cyberattaques récentes, y compris le piratage de Sony Pictures en 2014 et le vol de millions de dollars à la banque centrale du Bangladesh.
Brouillage
Les Etats-Unis ont maintes fois accusé Pékin de cyberattaques contre des entreprises américaines, en particulier à des fins d’espionnage industriel. La Chine se dit elle-même victime de tels opérations.
M. Glick évoque un incident apparent de brouillage GPS à grande échelle survenu en juin en mer Noire, durant lequel les systèmes d’une vingtaine de navires ont été perturbés.
Jeffery Stutzman, directeur des opérations de renseignement de la société américaine de cybersécurité Wapack Labs, explique à l’AFP qu’il pense « entièrement possible » qu’une cyberattaque ait provoqué la dernière collision.
« Je serais très étonné s’il s’agissait d’un cas d’erreur humaine, pour la quatrième fois consécutive ».
Toutefois, d’autres doutent d’un tel scenario.
D’après Zachary Fryer-Biggs, du consultant Jane’s by IHS Markit, même si une anomalie survenait sur le système GPS d’un navire, d’autres mécanismes de sécurité sont là normalement pour prendre le relais, comme les tours de garde.
« La collision ne peut survenir qu’en cas d’échec de plusieurs autres mécanismes ».
Daniel Paul Goetz, de la société américaine Lantium, renchérit, expliquant qu’il serait compliqué de provoquer un accident car cela supposerait de connaître la localisation et la vitesse exactes des deux vaisseaux en cause.
M. Goetz met aussi en exergue la sophistication des équipements américains. « L’armée US se sert d’un système GPS hautement sécurisé, hautement codé. Les risques de voir quelqu’un s’emparer du contrôle d’un bâtiment de guerre sont proches de zéro ».