L’été où François Hollande a « craqué »

L’ex-président avait promis de la « retenue » vis-à-vis de son successeur. Il n’aura pas tenu cent jours. Et ce n’est pas fini.

Les appels de ses amis à « la sagesse » n’auront pas tenu très longtemps : François Hollande replonge. En cette fin août, la coupe est pleine. Les quinze jours de vacances – « exceptionnel pour François ! », lâche l’ami François Rebsamen – sont oubliés : à Angoulême (Charente), l’ancien président n’a pas résisté à lancer son premier avertissement public à Emmanuel Macron sur « les sacrifices » demandés aux Français. Trois mois seulement après son départ de l’Elysée, Hollande rechute…

« Tu as toutes les raisons de t’exprimer. Retiens-toi ! » Le SMS date de juillet. Compagnon de route de l’Elysée, Bernard Poignant connaît bien « son » François. « C’était dur pour lui de se taire, je voyais qu’il n’était pas bien », confie-t-il aujourd’hui. Hollande a traversé les premières semaines du quinquennat Macron en faisant le dos rond. Certes, l’incompréhension demeure parfois. Notamment lorsque le président grille la politesse à son Premier ministre en parlant devant le Congrès, le 3 juillet. « Qu’est-ce qui leur a pris ? s’interroge Hollande devant certains visiteurs de la rue de Rivoli où il a installé ses bureaux. Si j’étais Edouard Philippe, je ne ferais pas de discours de politique générale. » Il laisse filer lorsque le gouvernement dénonce le trou budgétaire pour 2017 de l’équipe précédente. Même si devant l’ami fidèle Jean-Pierre Jouyet, un brin d’amertume affleure dans les propos de l’ex-chef de l’Etat. « J’aurais abandonné des promesses au bout de deux mois, j’aurais été étrillé par la presse. Lui, on lui pardonne tout… » lui dit Hollande. Mais, délai de décence oblige, il se tait.

Le supposé effet Macron a « vraiment énervé » François Hollande

Ce silence, forcé, aurait pu durer. En ce 13 août, dans le village d’Aiguines (Var), François Hollande apparaît tout sourire au côté de sa compagne, Julie Gayet, pour fêter ses 63 ans. Parmi ses invités, Bernard Cazeneuve. Depuis plusieurs semaines, son dernier Premier ministre, qui a fait vœu de silence, lui conseille de prendre du recul. Mais Hollande bouillonne. En vue de la rentrée, les trompettes gouvernementales jouent l’air de « l’effet Macron » sur le redécollage économique. Sans jamais faire référence à l’action de son prédécesseur. Vitupéré en juillet pour ses « chèques en bois », voilà Hollande oublié le mois suivant lorsque les indicateurs économiques repassent au vert : taux de chômage au niveau de 2012, croissance confortée, etc. L’affront ne passe pas. « Hollande aurait aimé plus d’élégance et un discours plus équilibré », confie son fidèle Michel Sapin. Ses SMS témoignent parfois d’une colère froide. « Ça manque d’élégance et c’est même mesquin », textote-t-il à un ancien proche collaborateur qui pense que le supposé effet Macron l’a « vraiment énervé ». Comme si le CICE, le pacte de responsabilité en faveur des entreprises, n’avait jamais existé avant l’actuel chef de l’Etat.

Le coup de Tipp-Ex n’est pas seul en cause. Avec François Hollande, la politique prime sur l’ego. La défense de son bilan est la condition même d’un hypothétique rebond. D’autant, note Christophe Pierrel, son ex-chef de cabinet adjoint, qu’« il n’a pas le sentiment d’un échec sur le fond ». A ses yeux, si l’expérience Macron échoue, la France risque de tomber dans les bras des populismes, ce qu’il ne souhaite pas. « Il ne veut pas que le vide s’installe dans la voie sociale-démocrate », assure Sapin. Il ne lâche donc rien pour défendre sa ligne. « Pugnace », confirme l’ancien conseiller et journaliste Pierre-Louis Basse, qui a déjeuné avec lui il y a dix jours. Inauguration d’édifices publics, remise de décorations, etc. sont autant de pistes pour permettre à Hollande de rester au contact des Français. Sans compter les entretiens de la rue de Rivoli. En quelques mois, son bureau est devenu l’épicentre de « la hollandie », ancienne et nouvelle génération. Tous ont noté la vue, superbe, sur les Tuileries. En revanche, raconte un visiteur, « du balcon, on ne voit que l’avenue Gabriel ». L’Elysée paraît bien loin…

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