Les étapes de la montée en puissance du programe nucléaire nord-coréen

Pyongyang a réalisé ce dimanche son sixième essai nucléaire. Il pourrait s’agir d’une bombe thermonucléaire. Faisons le point sur les grandes dates des programmes nucléaire et balistique nord-coréens qui enregistrent depuis un an un importante accélération.

Pyongyang a procédé dimanche 3 septembre à son sixième essai nucléaire. Le régime nord-coréen a déclaré qu’il s’agissait d’une bombe à hydrogène et que le test avait été une «réussite totale». La course aux armements du régime nord-coréen, notamment en matière nucléaire, connaît un grand bond en avant depuis son premier essai d’une bombe atomique en 2006. Depuis un an particulièrement, le tir réussi de missiles balistiques intercontinentaux, pouvant théoriquement atteindre une partie des États-Unis, augmente encore le potentiel militaire nord-coréen.

Les origines du programme nucléaire nord-coréen

1958 – Après la Guerre de Corée (1950-1953) qui a vu la péninsule coréenne divisée en deux selon le 38e parallèle entre un Nord soutenu par les Soviétiques sous le règne de Kim Il-sung et un Sud protégé par les États-Unis, Washington installe en Corée du Sud des missiles nucléaires tactiques, jusqu’à 950 ogives. Les armes nucléaires commencent à être retirées sous Jimmy Carter à la fin des années 1970. En 1991, George H. W. Bush achève le retrait complet de ces armements.

1965 – L’URSS fournit à Pyongyang un réacteur de recherche, installé à Yongbyon, puis un second au milieu des années 1970. En 1977, Pyongyang accepte l’inspection de son premier réacteur par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

La fin de la Guerre froide et la tentation des négociations

1985 – Pyongyang signe le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Washington découvre la même année un troisième réacteur nucléaire en Corée du Nord, puis une nouvelle installation nucléaire en 1989. Washington accuse alors la Corée du Nord de développer un armement nucléaire, qui aurait commencé au début des années 1980, ce que le régime communiste dément. Des inspections de l’AIEA sont autorisées en 1992 et 1993.

1994 – En juin, l’ex-président Jimmy Carter effectue un voyage inédit en Corée du Nord. En octobre, trois mois après le décès de Kim Il-Sung auquel succède son fils Kim Jong-Il, Pyongyang et Washington signent un accord bilatéral. La Corée du Nord s’engage à démanteler son programme nucléaire militaire en échange de la construction de réacteurs civils.

1999 – Un an après le premier tir de missile balistique à longue portée, Kim Jong-Il décrète un moratoire sur les essais de missiles. Washington allège ses sanctions.

● La Corée du Nord entre dans «l’axe du mal» et dans l’âge atomique

2001 – L’élection de George W. Bush met un terme à la poursuite de l’Accord de Genève alors que la Corée du Nord est soupçonnée d’avoir lancé en 1998 un second programme clandestin d’uranium hautement enrichi. En janvier 2002, le président américain qualifie la Corée du Nord, avec l’Irak et l’Iran, d’«axe du mal». Pyongyang expulse les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique en décembre 2002.

2003 – Jusqu’alors membre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), Pyongyang en sort le 10 janvier et admet en juin vouloir se doter de l’arme atomique. Deux ans plus tard, elle affirme la posséder. En août 2003, la Corée du Nord accepte pourtant des cycles de négociation à Six avec la Corée du Sud, le Japon, les États-Unis, la Russie et la Chine. Mais, en août 2004, la Corée du Nord déclare qu’il lui est «impossible» de participer à de nouvelles négociations sur son programme nucléaire avec les États-Unis, traitant le président Bush de «tyran» pire qu’Hitler et d’«imbécile politique».

9 octobre 2006 – La Corée du Nord procède à son premier essai nucléaire, de faible puissance. Le vote de la résolution 1718 du Conseil de sécurité des Nations unies impose des sanctions contre Pyongyang. Auparavant, en juillet, la Corée du Nord a procédé au tir d’une dizaine de missiles balistiques. L’un des missiles tirés serait un missile intercontinental «Taepodong-2» dont la portée théorique de 3500 à 6700 km permettrait d’atteindre Hawaï et l’Alaska aux États-Unis.

13 février 2007 – Pyongyang accepte de démanteler son programme nucléaire et d’accueillir des inspecteurs de l’AIEA, en échange d’un million de tonnes de carburant et de son retrait de la liste des États qualifiés de terroristes par Washington. En juillet, l’AIEA annonce que le complexe nucléaire de Yongbyon a été fermé. En octobre 2008, les États-Unis retirent la Corée du Nord de leur liste des États soutenant le terrorisme en échange du contrôle de «toutes les installations nucléaires» du régime communiste.

25 mai 2009 – Pyongyang procède à un second essai nucléaire souterrain. La résolution 1874 alourdit les sanctions contre le régime nord-coréen le 12 juin de la même année. Auparavant, Pyongyang avait lancé une fusée longue portée dans le Pacifique, un test déguisé du missile Taepodong-2 selon Washington, Tokyo et Séoul. Pyongyang quitte les négociations à Six et décide la réactivation de son programme nucléaire comme l’arrêt de sa coopération avec l’AIEA.

29 février 2012 – Alors que Kim Jung-un est arrivé au pouvoir fin 2011 après la mort de son père, l’administration Obama signe un accord avec Pyongyang. 240 000 tonnes d’aide alimentaire sont promis en échange de l’arrêt de tout lancement de missiles et de tout essai nucléaire. Le 13 avril 2012, une fusée Unha-3 emportant officiellement un satellite est tirée, suspendant l’accord entre Obama et Kim Jong-un.

12 février 2013 – Pyongyang réalise un troisième essai nucléaire, estimé entre 6 et 7 kilotonnes selon le régime nord-coréen.

6 janvier 2016 – Le régime nord-coréen réalise un quatrième essai nucléaire et déclare qu’il s’agit d’une bombe à hydrogène. Les experts occidentaux sont alors sceptiques sur le fait qu’il s’agit bien d’une bombe H complète. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, Pyongyang réalise un cinquième essai nucléaire, d’une puissance inédite, mais le séisme qu’il a provoqué n’a pas encore été jugé suffisamment fort pour correspondre à une bombe thermonucléaire.

Juillet 2017 – La Corée du Nord procède à deux tirs réussis d’un missile balistique intercontinental ou ICBM, le Hwasong-14, d’une portée théorique d’environ 10.000 km. «Tout le territoire américain est à notre portée», déclare Kim Jong-Un. En janvier, Donald Trump avait pourtant affirmé que la Corée du Nord ne serait jamais en mesure de développer une «arme nucléaire capable d’atteindre le territoire américain».

8 août 2017 – Donald Trump promet le «feu et la colère» sur le Nord. La Corée du Nord avertit qu’elle pourrait tirer des missiles près de l’île américaine de Guam, dans le Pacifique.

21 août 2017 – Washington et Séoul lancent des exercices militaires annuels dits «Ulchi Freedom Guardian» auxquels participaient des dizaines de milliers de soldats sud-coréens et américains. Le Nord, qui considère ces manoeuvres comme la répétition d’une invasion, a prévenu Washington qu’il «jetterait de l’huile sur le feu» s’il les maintenait. Le 26 août, Pyongyang procédait à trois tirs relativement anodins de missiles à courte portée.

29 août 2017 – Pyongyang envoie un missile balistique au-dessus du Japon, qui n’est pas intercepté par les systèmes antimissiles américains et japonais. Donald Trump affirme que «discuter» avec la Corée du Nord «n’est pas la solution!».

3 septembre2017 – Les Nord-Coréens réalisent leur sixième essai nucléaire, affirmant avoir testé une bombe H. L’essai mené dimanche a provoqué un séisme d’une magnitude de 6,3, près du principal site nord-coréen d’essais nucléaires, à Punggye-Ri dans le Nord-Est. Les secousses sismiques ont été de cinq à six fois plus puissantes que lors du cinquième essai en septembre 2016, selon l’Administration météorologique sud-coréenne. L’observatoire sismologique norvégien NOSAR a répertorié sur un schéma la puissance des tremblements de terre qui ont suivi chacun des six essais nucléaires nords-coréens, ce qui permet de mesurer la puissance particulière de cette présumée bombe H, qui pourrait atteindre 120 kilotonnes, contre 15 kilotonnes pour celle d’Hiroshima.