Droits de l’homme : où en est l’Azerbaïdjan ?

Malgré les pressions internationales, le régime autocratique d’Ilham Aliev continue d’incarcérer ses opposants politiques.

En 1991, accompagnant la dissolution de l’URSS, la République socialiste d’Azerbaïdjan déclare son indépendance et devient République d’Azerbaïdjan. Des années rouges, le régime en place pérennise une tradition : la répression des critiques et l’incarcération de ses opposants politiques.

Pour Ilham Aliev, l’actuel président de l’Azerbaïdjan qui a pris la succession de son père Heydar en 2003, l’intérêt d’enfermer ses opposants politiques est double : d’une part, faire taire les critiques, notamment celles dénonçant la corruption du régime et de la famille Aliev ; de l’autre, utiliser les prisonniers politiques comme monnaie d’échange avec la communauté internationale. Dans une certaine mesure, le nombre de prisonniers libérés est un baromètre des relations avec l’Occident. Les libérations permettent également aux thuriféraires du régime à l’étranger de défendre l’idée d’une situation, certes, imparfaite sur le plan des droits de l’homme, mais en progression constante.

Dès 2002, soit un an après que la République d’Azerbaïdjan a rejoint le Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire enjoint aux autorités azerbaïdjanaises de libérer ses prisonniers politiques. Et dans son bilan publié en 2017 sur les droits humains dans le monde, Human Rights Watch déplore une ligne politique invariablement répressive à l’égard des opposants politiques.

Selon le rapport, dans le courant de l’année 2016, 17 opposants, incarcérés sur le motif d’accusations se référant explicitement à leur activité politique, ont été libérés. « Les Etats-Unis, l’Union européenne et plusieurs acteurs internationaux ont salué ces libérations, mais ont échoué à utiliser leurs relations avec le régime pour obtenir de réelles améliorations », est-il écrit dans le rapport, qui souligne que 25 opposants, dont l’incarcération est pour certains antérieure à 2016, demeurent toujours derrière les barreaux.

Parmi les libérations les plus emblématiques, celle du couple Leyla et Arif Yunus, arrêtés en 2014 et condamnés respectivement à huit ans et demi et sept ans de prison. Militants pour les droits de l’homme et engagés pour la réconciliation entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, ils avaient été accusés d’espionnage pour le compte d’Erevan, l’ennemi juré de Bakou, ainsi que de fraude et d’évasion fiscale – les accusations de crimes économiques sont fréquentes pour justifier les poursuites contre des militants politiques. Les pressions de l’opinion internationale et leur état de santé très dégradé ont entraîné leur libération, fin 2015.

En mai 2016, c’est au tour de Khadija Ismaïlova, une journaliste d’investigation spécialisée dans la corruption, d’être libérée. Lauréate 2016 du Prix mondial de la liberté de la presse Guillermo-Cano décerné par l’Unesco, la journaliste avait été arrêtée fin 2014 puis condamnée en septembre 2015 pour activité économique illégale et évasion fiscale. Avant cela, elle avait dû subir des pressions variées, allant jusqu’à la fabrication et la diffusion d’images à caractère sexuel.

148 prisonniers politiques

Loin de ces cas particulièrement retentissants, l’Azerbaïdjan compte encore aujourd’hui 148 prisonniers politiques, selon Rasul Jafarov, avocat et défenseur des droits de l’homme qui tient à jour les listes de prisonniers. Lui-même détenu d’août 2014 à mars 2016, l’opposant déplore également le sort « des journalistes, des blogueurs, des défenseurs des droits de l’homme, des politiciens, des militants religieux, des membres de la famille de certains militants qui ont quitté l’Azerbaïdjan à cause des risques de détention et de répressions ».

Le cas d’Afgan Mukhtarli, un journaliste d’opposition réfugié en Géorgie, témoigne de la détermination des autorités de Bakou à traquer les critiques. Enlevé en pleine rue à Tbilissi, le 29 mai, il a réapparu vingt-quatre heures plus tard dans une prison de Bakou, accusé de franchissement illégal de frontières. En mai 2016, deux jeunes militants, Giyas Ibrahimov et Bayram Mammadov, ont été arrêtés alors qu’ils taguaient un monument à la mémoire de l’ancien président Heydar Aliev. Ibrahimov a été condamné à dix ans de prison pour possession de drogues.

D’autres opposants restent derrière les barreaux : le militant Ilkin Rustamzadeh, Murad Adilov, du parti d’opposition Front populaire d’Azerbaïdjan, le journaliste Seymur Hazi, le blogueur Abdul Adilov… Le plus médiatisé reste Ilgar Mammadov, dirigeant du parti d’opposition Mouvement de l’alternative républicaine tif (REAL), arrêté en février 2013 après avoir fait part de sa volonté de participer à l’élection présidentielle d’octobre 2013. « Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a fait plus de dix déclarations et résolutions appelant à sa libération », souligne Rasul Jafarov, estimant que son maintien en détention crée « une menace pour la légitimité du Conseil de l’Europe lui-même ».

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