Espace Schengen : «On a confondu la totale liberté de circulation avec l’absence de contrôle»

A l’heure où les attentats se multiplient sur le sol européen, l’espace Schengen est de plus en plus critiqué. L’homme politique français Jacques Myard revient sur les défauts de cet accord phare de l’UE et sur les réformes à mener.

Vous êtes depuis des années très critique des accords Schengen. Pourquoi ? 

Jacques Myard (J. M.) : L’affaire de Schengen est très simple. Ces accords et les règlements qui les ont suivis sont fondés sur une utopie : mettre fin aux contrôles internes en conservant un contrôle externe. Or, il est impossible de contrôler les frontières externes, même en créant un corps européen de garde-frontière. Contrôler, par exemple, les frontières de la Grèce relève de la mission impossible face aux multiples points d’accès du pays. Même le fameux rideau de fer, à l’époque de la guerre froide, n’a jamais été totalement hermétique.

Il faut multiplier les contrôles

Il faut multiplier les contrôles. Chaque Etat doit prendre à sa charge les contrôles extérieurs. Mais il faut aussi, en parallèle, avoir des contrôles internes menés de manière aléatoire. Faire sorte que quelqu’un qui veut traverser l’espace Schengen et qui a déjà passé un premier contrôle puisse en trouver un deuxième à tout moment lors de son séjour. Lors de la mise en place de l’espace Schengen, on a confondu la totale liberté de circulation avec l’absence de contrôle. La liberté de circulation est bénéfique, mais ne doit pas aller sans contrôle. Les contrôles aléatoires sont le meilleur moyen pour faire face aux passages de malfrats, de bandits et de terroristes.

C’est en réalité toute la philosophie de cet accord qu’il faut repenser afin de permettre aux honnêtes gens de voyager librement tout en ôtant cette possibilité aux assassins

RT : Emmanuel Macron a déclaré le 24 août 2017 depuis Bucarest, en Roumanie, que l’Europe de Schengen ne fonctionnait pas bien et qu’il fallait accélérer la refonte des règles communes aux pays signataires de l’accord. Avez-vous confiance en lui pour améliorer la situation ? 

J. M. : Je pense qu’Emmanuel Macron est en train de changer d’opinion. Il se rend compte que ses rêves, lors de la campagne présidentielle, sont très loin des réalités. J’attends de lui non pas qu’il nous dise : «Voilà ce qu’il faut faire», mais qu’il agisse et propose des modifications concrètes du système Schengen, notamment sur la question des contrôles internes. Il y a dans Schengen des avancées intéressantes, comme les échanges d’informations, mais il y a également nombre de réformes à effectuer.

Il est en outre primordial que nos partenaires européens, qui ont jusqu’à présent traîné les pieds, à l’instar du Parlement européen, fassent fonctionner correctement le «Passenger Name Record» (PNR), c’est-à-dire le registre contenant les informations de tout individu prenant l’avion. Ces informations doivent être communiquées en temps réel aux services de police pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un terroriste. Ces vérifications sont censées avoir lieu en amont de la montée de l’individu dans l’appareil de la compagnie aérienne. Il faudrait savoir 24 heures à l’avance qui va monter dans un avion, comme le font les Américains. Mais on ne peut se contenter de contrôles aériens, il faut aussi des contrôles aux frontières terrestres. Les bus ne sont par exemple pas contrôlés aux points de passages entre les pays membres de l’espace Schengen. C’est en réalité toute la philosophie de cet accord qu’il faut repenser afin de permettre aux honnêtes gens de voyager librement tout en ôtant cette possibilité aux assassins.