Le Souverain Pontife entame mercredi un voyage de cinq jours pour soutenir le processus de paix historique engagé entre le gouvernement de Jan Manuel Santos et les guérilleros des Farc.
Bogota, le nom de la capitale colombienne résonne du bruit sourd d’une guerre interminable d’un pays contre lui-même. Cinquante-trois années de fureur… «L’un des plus longs conflits de l’histoire» commentait, le 5 septembre, un membre de l’entourage du Pape. Une habitude de guerre, nauséabonde et mortifère, qu’un traité d’une paix – encore fragile – a interrompue il y a un an.
Cette nation martyrisée, François la connaît bien à titre personnel. Il voulait la visiter comme pape depuis son élection en 2013, comme l’avaient fait Paul VI en août 1968, Jean-Paul II en 1986.
Le pape argentin a donc mis tout son poids, à travers les discrets réseaux de la diplomatie vaticane, pour hâter la bonne issue de négociations de paix qui ont finalement abouti. L’ambassadeur de Colombie près le Saint-Siège, Guillermo Leon Escobar, l’assure: le pape François est «l’un des pères» de l’accord final.
En se posant, ce mercredi 6 septembre, à Bogota, c’est donc d’un pas décidé que François entrera dans ce pays. À l’enseigne du slogan de la visite, François l’a lui-même choisi: «Faisons le premier pas», «demos el primer paso» en espagnol. Il donne le ton de son message: chacun doit donner du sien pour une réconciliation intérieure du pays toute à reconstruire. Dans une vidéo adressée aux Colombiens le 4 septembre, François assure: une «paix stable, durable» implique que tous «se traitent en frères, non en ennemis».
«Une culture de la violence»
Point fort, vendredi, à Villavicencio, ville très marquée par le conflit armé avec les Farc, la journée sera placée sous le thème de la «réconciliation». 5000 ex-miliciens et victimes des conflits seront présents. Lors de son retour à Bogota le soir même, des victimes de violences, des militaires et des ex-miliciens accueilleront le Pape à la nonciature. «Selon toute probabilité» indique une source vaticane, Ingrid Betancourt, enlevée par les Farc de 2002 à 2008, devrait rencontrer le Pape.
En revanche, Greg Burke, porte-parole du Vatican a publiquement assuré qu’aucune rencontre officielle entre le Pape et des représentants des différentes guérillas, Farc et l’ELN, ou encore avec l’opposition, n’était au programme. À ce titre Guzman Carriquiry Lecour, un laïc originaire d’Uruguay, vice-président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine qui a tout spécialement préparé ce déplacement, prévient: «Concentrer les regards, pendant ce voyage, sur le processus de paix est une erreur» car «il ne faudrait réduire la visite du Pape à sa dimension politique».
L’enjeu majeur, pour lui est la lutte contre «une culture de la violence enracinée dans tout le peuple». Ce qui nécessite un «grand mouvement de régénération spirituelle et de réconciliation pour toute la société colombienne» qui n’élude rien des «causes qui ont généré la violence». Avec un fait notable: «Environ 50 % de la population colombienne vit sous le seuil de la pauvreté.» Pour lui, l’Église, a donc une carte maîtresse à jouer: «Le Pape va demander à cette chrétienté de revenir à sa source même, pour affronter ces problèmes. C’est-à-dire demander à tous les Colombiens un changement personnel, par une rencontre avec le Christ, qui change la vie et celle des familles.»
Vaste ambition. D’ici à dimanche soir, 10 septembre, jour du retour à Rome par un long vol de nuit, François doit prononcer douze discours substantiels devant des foules estimées à chaque étape par centaines de milliers! 700.000 personnes attendraient ainsi le Pape, mercredi soir, entre l’aéroport et le centre de Bogota. La Colombie est à 72 % catholique. Mais comme aucun pays d’Amérique latine, elle est fort tentée par les évangéliques protestants qui y sont en pleine expansion, ce qui constitue un autre enjeu du voyage.