«Si je suis expulsé, je ferai tout pour revenir», affirme Ivan Ceja, l’un des 800 000 jeunes immigrés clandestins dont l’avenir aux États-Unis est menacé par la fin annoncée mardi par l’administration Trump du programme qui les protégeait d’une expulsion, écrit La Presse (Canada).
En 2012, Barack Obama avait mis en place par décret le programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) afin de faire sortir de l’ombre les enfants arrivés illégalement aux États-Unis avec leurs parents, pour la plupart en provenance d’Amérique latine.
Le sort des Dreamers (rêveurs), qui bénéficient actuellement de ce statut leur permettant d’étudier et de travailler, est désormais extrêmement incertain.
Agé de 26 ans, Ivan Ceja est venu aux États-Unis avec ses parents alors qu’il avait 9 mois. Bénéficiaire du DACA depuis 2012, il n’est retourné qu’une fois au Mexique, il y a deux ans pour un voyage de dix jours.
«Avant le DACA, je ne pouvais pas postuler à des emplois pour lesquels j’étais pleinement qualifié car je n’avais pas de numéro de sécurité sociale», dit cet étudiant en informatique, militant pro-immigration et co-fondateur d’Undocumedia.org.
Le DACA lui a donné une «tranquillité d’esprit» car les jeunes sans-papiers n’étaient plus une priorité pour les expulsions. Une tranquillité qui «va maintenant doucement se terminer».
«Si je suis expulsé, je ferai tout pour revenir. Je prendrai des risques pour traverser la frontière. C’est le seul pays que je connaisse, mon avenir est ici, je vais me battre», assure-t-il.
En 2010, la jeune Mexicaine Jessica Colotl était devenue le symbole de ces jeunes clandestins promis à un avenir prometteur qu’une arrestation pour une infraction mineure peut balayer.
«C’est une tragédie», affirme-t-elle après l’annonce de la fin du programme.
«Je me sens très frustrée, c’est vraiment injuste que du jour au lendemain, on nous arrache nos rêves», dit-elle. Agée de 29 ans, elle en avait onze quand elle est arrivée aux États-Unis.
Mais, assure-t-elle, «nous allons continuer à lutter pour le droit de vivre dans un pays que nous considérons comme chez nous».
Une manifestation pro-DACA a eu lieu devant le bureau du sénateur républicain de l’Ohio Rob Portman, mardi, à Cincinnati.
«Aucun souvenir»
Angel Romero, jeune Mexicain bénéficiaire du DACA et qui vit en Virginie a lui aussi «peur de devoir quitter le pays et de retourner dans mon pays d’origine», un pays qu’il a quitté à deux ans et dont il affirme n’avoir «aucun souvenir».
En cas d’expulsion vers le Mexique, «nous ne savons vraiment pas où nous irions», ajoute sa soeur, Jennifer, venue participer à une manifestation devant la Maison-Blanche.
Pour Greisa Martinez Rosas, 28 ans, pas question non plus de se laisser faire. Arrivée du Mexique à Dallas avec ses parents, elle fait partie du réseau «United we dream» au Texas, qui milite pour l’intégration des clandestins.
«Je suis venue aux États-Unis en sachant que ma vie serait meilleure. J’avais 8 ans, mes parents étaient des illégaux et notre vie n’était pas normale. Vous êtes poursuivis par les agents de l’immigration, par la police. On ne peut pas faire les choses que les gens normaux font».
Après la décision de l’administration Trump, «nous allons nous battre, chaque jour» pour qu’une nouvelle loi soit mise en place. «On ne nous renverra pas dans l’obscurité», assure la jeune femme.
Considérés au mieux comme prenant l’emploi d’Américains, au pire comme des criminels protégés par la loi, les bénéficiaires du DACA ont aussi leur martyrs.
Alonso Guillen, 31 ans et bénéficiaire du DACA, faisait partie d’un groupe de sauveteurs volontaires pour les victimes de l’ouragan Harvey, qui a submergé le sud du Texas fin août. Il est mort noyé après être tombé du bateau sur lequel il se trouvait, selon les médias locaux.
«Les Rêveurs du Texas ont été victimes des inondations, sauveteurs lors des inondations, et au moins un – Alonso Guillen, habitant de Lufkin – était un volontaire qui a donné sa vie pour sauver ses concitoyens texans des inondations», a assuré Terri Burke, membre de l’Association américaine de défense des libertés civiques (ACLU).