Ce professeur des écoles de 58 ans a été mis en examen et écroué mercredi soir après l’ouverture d’une information judiciaire pour «viols et abus sexuels sur mineurs de 15 ans». Il nie les faits.
«Ce n’est pas moi», a-t-il répété devant les gendarmes. Après deux jours de garde à vue, un instituteur gardois âgé de 58 ans a été mis en examen et placé en détention provisoire mercredi pour «viols et abus sexuels sur mineurs de 15 ans» concernant «au moins six enfants» âgés de quatre ans, rapportait le parquet de Nîmes ce mercredi. Les faits se seraient produits à l’école maternelle de Caveirac, ville de 4000 habitants située à 10 km à l’ouest de Nîmes. Cette mise en examen s’appuie «sur les déclarations des enfants», a d’abord précisé le procureur de Nîmes Erick Maurel lors d’une conférence de presse mercredi. Ce jeudi, le magistrat a affirmé qu’il y avait six nouvelles victimes «potentielles», soit 12 victimes en tout. À ce stade, neuf plaintes ont été déposées, a indiqué le parquet au Figaro.
L’affaire a débuté fin 2016 quand les parents d’un premier enfant se sont inquiétés de «jeux» faits en classe avec l’enseignant. Très vite, les parents préviennent la directrice de l’école et déposent plainte auprès de la gendarmerie. Dans la foulée, l’instituteur est suspendu et une enquête préliminaire est ouverte. Au fil des auditions, les gendarmes se rendent compte que plusieurs enfants seraient concernés. Après huit mois d’enquête, l’instituteur, qui nie les faits, a été arrêté lundi matin à son domicile, le jour de la rentrée scolaire, car sa suspension provisoire arrivait à échéance. Pendant sa garde à vue, son domicile a été perquisitionné et du matériel informatique a été saisi.
«S’assurer de l’authenticité des propos des enfants»
D’après les premiers éléments de l’enquête, les viols et abus auraient eu lieu à l’école, lorsque la classe était scindée en deux: une partie des élèves partait avec une assistante maternelle, les autres sélectionnés par le professeur étaient isolés dans un coin de la classe. C’est là que plusieurs d’entre eux auraient subi des agressions sexuelles. Les enquêteurs ont pris le temps de «s’assurer de l’authenticité et de la cohérence des propos des enfants (…) qui s’exprimaient avec des mots d’enfants de quatre ans» et «ne racontaient pas des abus sexuels» mais «des ‘jeux’», a expliqué le procureur. Ces enfants extrêmement jeunes ont été entendus selon une procédure spéciale, le protocole Mélanie, dans une salle dédiée et avec des enquêteurs spécialisés. Les interrogatoires de ce type sont filmés.
Néanmoins, «il faut rester prudent dans ce genre de dossier», insiste le procureur de Nîmes auprès du Figaro. «Les qualifications de viols et d’abus sexuels ont été retenues au regard des dépositions d’enfants de quatre ans. C’est maintenant à l’instruction de vérifier ces allégations», ajoute-t-il, rappelant que l’instituteur est à ce jour présumé innocent. Le magistrat sait que ce type d’affaires est toujours délicat. En avril 2016, une trentaine de parents ont été condamnés pour dénonciation calomnieuse à l’encontre d’un professeur de sport dans un collège de Biscarosse, dans Les Landes.
Les faits reprochés à l’enseignant auraient été commis courant 2016. «L’interrogation que tout le monde a, c’est ce qui a pu se passer auparavant». Cela fait 20 ans que l’instituteur enseigne dans les écoles du Gard. Selon nos informations, des appréciations sur son comportement figurant sur son dossier administratif poussent les enquêteurs à vouloir faire des vérifications sur l’ensemble de son parcours professionnel et notamment sur les écoles par lesquelles il est passé.
«Les parents m’apparaissent d’une très grande dignité», a déclaré encore le procureur au micro de Midi Libre . «Ils sont bien entendu dans la souffrance mais les gendarmes qui ont été en contact avec eux ont été confrontés à des parents qui sont dans l’incompréhension, qui cherchent à connaître la vérité». Certains de ses enfants ont changé d’école pour des motifs déconnectés de l’affaire, d’autres sont restés.
À la mairie de Carveirac, Alice Brossote, l’adjointe déléguée à la petite enfance et aux écoles, dit être «attristée» et «ennuyée» par cette affaire. «Nous attendons maintenant que l’enquête progresse». Jointe par téléphone, une maman d’élève, dont la petite fille n’était pas dans la classe de l’instituteur, lâche sa colère: «Comment peut-on laisser quelqu’un comme ça au sein d’écoles pendant toutes ces années? Je me dis qu’il y a vraiment un problème dans l’éducation nationale», soupire-t-elle, regrettant que l’école n’ait pas informé les parents. Une réunion d’informations doit avoir lieu ce jeudi soir pour rassurer les parents.
Déjà des soupçons en 2000, selon une mère de famille
La médiatisation de cette affaire a poussé Myriam, une autre mère de famille, à témoigner ce mercredi. Elle raconte les soupçons qui pesaient déjà sur cet instituteur il y a 15 ans, alors qu’il enseignait à Calvisson, à 10 km de Calveirac. Il y avait par exemple ces parents, dit-elle, qui n’osaient plus mettre leur petite fille en robe dans la classe de l’enseignant car «il se passait des trucs». «Il insultait aussi les enfants», se remémore Myriam, qui finit par écrire au rectorat de Montpellier. En vain. L’instituteur reste en place. «Pourquoi le rectorat n’a rien fait?», interroge-t-elle aujourd’hui. «J’espère que des parents vont s’en rappeler et que cette fois ils vont parler». Interrogé sur ce témoignage, le procureur de Nîmes dit n’avoir reçu aucune plainte ou courrier de la part de cette mère de famille mais que ses déclarations seraient naturellement prises en compte dans le cadre de l’enquête. Contacté par Le Figaro, le rectorat de Montpellier n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
L’instituteur qui habitait Carveirac était arrivé dans cette école maternelle en septembre 2016. Il a eu trois épouses successives et deux enfants. Il était connu des services de police pour des violences intrafamiliales sur sa dernière épouse. La perquisition de son domicile et l’exploitation de son matériel informatique n’auraient pour l’instant rien mis en évidence mais les analyses se poursuivaient jeudi. Notamment parce que l’équipement est conséquent et que l’instituteur a une très bonne maîtrise de l’outil informatique, glisse une source proche du dossier.
Mercredi soir, l’instituteur inculpé dormait en prison. Il sera décidé sous quatre jours de son maintien en détention.