Un rassemblement en soutien à Kem Sokha s’est déroulé hier, le 9 septembre, place du Trocadéro à Paris. Les manifestants issus de la communauté cambodgienne installée en France et en Europe exigent la libération de tous les prisonniers politiques au Cambodge ainsi que le respect des Droits de l’Homme et de la Liberté de presse.
Le pays khmer n’occupe qu’une peu flatteuse 132e place au classement de Reporters sans frontières et les conditions de travail des journalistes indépendants sont de plus en plus difficiles.
Le leader de l’opposition au Cambodge a été mis en examen mardi pour « trahison et espionnage », dernier épisode en date du musellement de la contestation politique avant les élections de 2018. Kem Sokha sera jugé pour « un plan secret et une conspiration » ourdie avec « des étrangers », a déclaré le tribunal de Phnom Penh, annonçant sa mise en examen pour « trahison et espionnage », passibles de 30 ans de prison.
Kem Sokha a été arrêté le week-end dernier par des centaines de membres des forces de l’ordre envoyés à son domicile, le gouvernement dénonçant alors déjà une « conspiration secrète ». « Derrière Kem Sokha, c’est toujours la même main, celle de l’Amérique », ajoutait le Premier ministre Hun Sen lors d’un discours télévisé dimanche, parlant d’un complot pour « détruire le pays ».
Orateur enflammé, Hun Sen est un habitué de la rhétorique anti-américaine, accusant depuis des années Washington de soutenir l’opposition au Cambodge. « Il est devenu paranoïaque des révolutions de couleur derrière lesquelles selon lui se trouvaient les Etats-Unis », analyse Chheang Vannarith, du Cambodian Institute for Cooperation and Peace. Et, au pouvoir depuis plus de 30 ans, il craint de finir comme les régimes autoritaires d’Ukraine ou de Hosni Moubarak en Egypte, renversés par la rue.
Sont du coup dans le collimateur de Phnom Penh les médias ou ONG considérés comme de possibles leviers de mobilisation de l’opinion publique. Dernière victime en date: le journal Cambodia Daily, qui s’est fait remarquer pour des enquêtes sur le népotisme du régime. Il a arrêté sa publication lundi, étranglé par les exigences du fisc. Des mesures fiscales ont également été annoncées par le gouvernement contre Radio Free Asia et Voice of America, financées par les Etats-Unis.
Dimanche, le département d’Etat américain s’est dit préoccupé par l’arrestation de Kem Sokha, estimant que les accusations « semblaient politiquement motivées » et mettaient en doute la crédibilité des élections. Les législatives de juillet 2018 sont en effet un test majeur pour l’homme fort du Cambodge, âgé de 65 ans, qui ne cesse de durcir le ton contre l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme.
Une manifestation de soutien en France
Avec ses deux chefs de file écartés, l’un en exil l’autre en prison, le CNRP risque désormais d’avoir du mal à faire campagne contre Hun Sen. « Sans meneur, harcelé par le gouvernement, le CNRP va avoir du mal à mettre en place une campagne efficace pour les élections », analyse Sebastian Strangio, auteur d’un livre de référence sur le Cambodge, « Hun Sen’s Cambodia », interrogé par l’AFP.
Le but pour Hun Sen étant d’éviter une répétition du scénario des législatives de 2013: l’opposition y avait fait une percée remarquée. Elle avait réussi à organiser de grandes manifestations pour dénoncer les fraudes électorales organisées pour masquer sa popularité.
Ces dernières années, le Cambodge est devenu l’une des économies les plus performantes d’Asie du Sud-Est. Mais la colère monte parmi la population et surtout les jeunes, lassés de la corruption et de l’accaparement des richesses par une élite proche de Hun Sen. L’opposition a réalisé une percée remarquée aux élections municipales de juin au Cambodge, un signe inquiétant pour celui qui est au pouvoir depuis la chute des Khmers rouges.