JO 2024 : Tony Estanguet, le champion olympique qui a fait gagner Paris

Triple médaillé d’or de canoë, Tony Estanguet s’est imposé depuis deux ans comme l’homme fort de Paris 2024. Avec un leadership naturel et une diplomatie à toute épreuve.

Il était exactement 12 h 17 au Pérou, mercredi, lorsque Thomas Bach, le président du Comité international olympique, a remis à Anne Hidalgo le carton « Paris 2024 », offrant ainsi au sport français l’une des plus belles victoires de son histoire. Lors de ce moment empli d’émotion et de fierté pour le camp tricolore, Tony Estanguet aurait lui aussi mérité d’être dans la lumière. Plus que la maire de Paris ou tout autre membre du comité de candidature, le triple champion olympique de canoë a permis de ramener les Jeux en France. Un siècle après ceux de 1924.

« C’est une victoire magique, unique. J’ai vécu une émotion que j’ai rarement vécue dans ma vie », a-t-il annoncé aux médias du monde entier dans les secondes suivant l’annonce officielle. D’ici 2018, il deviendra le principal maître à bord en prenant les commandes du comité d’organisation. Une promotion logique pour le Béarnais de 39 ans, qui a débuté son apprentissage de dirigeant dès sa retraite en 2012. Au lendemain des JO de Londres, où il est couronné d’or comme à Sydney en 2000 et Athènes en 2004, il est élu à la commission des athlètes du CIO.

« Il arrive à fédérer autour de lui »

Aucun Français n’y était parvenu avant lui. David Douillet et Amélie Mauresmo avaient notamment tenté leur chance, sans succès. « La reconversion de Tony ne m’a pas du tout surpris. C’est un leader, il a une capacité naturelle à endosser des responsabilités et il arrive à fédérer autour de lui. Il souhaitait également poursuivre son histoire avec l’olympisme, qui a marqué sa carrière », indique à L’Express Pierre Salamé, l’un de ses anciens entraîneurs. Fort de son expérience d’athlète et de sa connaissance du CIO, Estanguet est rapidement devenu une évidence pour l’équipe de Paris 2024.

En février 2015, il se voit confier la coprésidence du comité de candidature, avec une belle pression sur les épaules tant les échecs de 1992, 2008 et 2012 sont encore dans toutes les têtes. « Tony était le choix parfait pour porter un tel projet. C’est un bosseur, il aime que tout soit cadré et il sait faire travailler les gens entre eux, même s’ils ont des désaccords. C’est assez rare d’avoir un tel sens du consensus. Il apporte de la confiance, sans avoir la grosse tête. Il parle de la même façon au président Macron qu’à l’ouvrier du coin », explique Philippe Lageyre, médecin de l’équipe de France de canoë-kayak depuis 2005.

Esprit de compétition et exigence

Diplômé de l’Essec, une grande école de commerce, Estanguet s’est attaché pendant deux ans à faire de Paris 2024 le projet le plus solide possible aux yeux du CIO, à le vulgariser auprès du grand public et à rassembler derrière lui des acteurs économiques, politiques et sportifs pour créer une union nationale. « Tony n’est pas très bavard, mais on l’écoute quand il parle. Avec lui, c’était évident que Paris allait l’emporter. C’est un gagnant, il a gardé son esprit de compétition », souligne le champion du monde de kayak Boris Neveu, qui a été son collègue d’entraînement à Pau.

« Quand il était jeune, il était déjà dans l’anticipation. Il ne prenait jamais le départ d’une course sans avoir étudié tous les plans possibles. Ça lui permettait de savoir exactement quoi faire dans n’importe quelle situation. Il suit un fonctionnement similaire en dehors du sport », poursuit Pierre Salamé, qui l’a porté vers son titre olympique à Sydney. « Tony est pareil dans la vie qu’il ne l’était à l’entraînement ou en compétition. Il est exigeant avec lui-même et avec les autres, mais il prend toujours le temps d’expliquer ce qu’il compte faire et pourquoi il a besoin d’être entouré pour y arriver », confirme Philippe Lageyre.

Dans les pas de Sebastian Coe

Par ses qualités d’analyse, son caractère et sa diplomatie, Estanguet a aidé Paris à avoir une candidature capable de griller Los Angeles bien avant la ligne d’arrivée à Lima. Des atouts qui lui ont aussi valu des louanges publiques de la part du monde de l’olympisme, qui voit désormais en lui un « Sebastian Coe français », ex-roi du demi-fond britannique qui avait fait gagner Londres en 2012. Dans les colonnes de L’Équipe, l’Israélien Alex Gilady, membre du CIO, assure même qu’Estanguet « est la meilleure chose qui nous soit arrivée de France depuis longtemps ».

Porte-drapeau de la délégation française à Pékin, le Palois doit désormais s’entourer d’une trentaine de personnes pour constituer le comité d’organisation, dont la composition finale sera connue dans les cinq prochains mois. L’ancien champion de canoë sera le principal interlocuteur avec le CIO et il devra principalement superviser les problématiques liées au déroulé des épreuves, au transport et à l’hébergement des 15 000 athlètes attendus dans la capitale en août 2024. S’il réussit cette mission, Estanguet prouvera qu’il est bien l’un des nouveaux grands patrons du sport français.

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