Parti charnière de l’histoire politique allemande, les Libéraux s’apprêtent lors des élections à faire leur retour au Parlement et peut-être au gouvernement. Une perspective qui pourrait faire de l’Allemagne un partenaire beaucoup moins commode pour le reste de l’Europe.
Sous la houlette de son jeune et photogénique président Christian Lindner, le Parti Libéral-Démocratique (FDP) a en effet achevé une mue qui a transformé un mouvement jadis centriste et viscéralement pro-européen en une formation penchant désormais clairement à droite, souvent eurosceptique et ferme sur l’immigration.
Or, après en avoir été éjecté en 2013, le parti s’apprête à revenir au Bundestag lors des législatives du 24 septembre et du coup à devenir un partenaire possible pour le futur gouvernement de coalition.
Appréhension en Europe
Les derniers sondages le créditent d’environ 9 % des suffrages. « Il est clair que nous avons une bonne chance de faire notre retour, qui l’eut cru ? », a demandé cette semaine Christian Lindner, 38 ans, omniprésent dans les spots télévisés de son parti, où il apparaît toujours en chemise blanche l’air décontracté.
Certes, une poursuite de la coalition actuelle avec les sociaux-démocrates reste possible. Cet attelage droite-gauche est cependant de moins en moins goûté par l’opinion et d’autres options incluant les Libéraux sont discutées.
La première verrait conservateurs et Libéraux gouverner. Leurs scores respectifs risquent toutefois de ne pas suffire à forger une majorité.
En conséquence, et même si le FDP est aujourd’hui très réservé, il est aussi question d’élargir ce duo aux écologistes.
Toute dépendra au final des scores des quatre « petits » partis derrière conservateurs et sociaux-démocrates: FDP, Verts, droite nationaliste de l’AfD et gauche radicale émargent tous autour de 10 % dans les sondages.
« La question essentielle de cette élection est de savoir qui sera la troisième force », dit la secrétaire-générale du FDP, Nicola Beer.
Le FDP a l’expérience de jouer les partis charnière. Depuis la création de la RFA en 1949, il a été, à l’exception d’une vingtaine d’années, de toutes les coalitions du pays. La dernière entre 2009 et 2013, déjà sous Angela Merkel.
L’hypothèse d’un retour des Libéraux au pouvoir suscite déjà une certaine appréhension en Europe car il serait de nature à durcir la position de l’Allemagne sur plusieurs sujets.
La réforme de la zone euro avec budget et ministre des Finances, promue par le président français Emmanuel Macron « serait morte et enterrée », estime Christian Odendahl, économiste au Center for European Reform.
Dans une interview au Spiegel parue ce week-end, Christian Lindner prévient que cette idée « ne passera pas » avec le FDP au gouvernement, car elle créerait un système gigantesque de solidarité » financière en zone euro.
Même chose pour la poursuite de l’extension de la zone euro, à des pays comme la Roumanie ou la Bulgarie.
Positions pro-russes
Les positions récentes pro-russes du FDP, à rebours du cap suivi par Angela Merkel, font aussi débat. D’autant qu’en cas d’entrée au gouvernement, il pourrait obtenir le ministère des Affaires étrangères.
Au nom des intérêts économiques, le chef des Libéraux a appelé à reconnaître le rattachement en 2014 de la Crimée par la Russie, que l’UE continue pourtant de dénoncer, et à commencer à lever les sanctions contre la Russie.
« La sécurité et le bien-être de l’Europe dépendent aussi des relations avec Moscou », a-t-il argumenté.
Au-delà, les Libéraux se montrent fermes sur l’immigration en critiquant la politique d’ouverture aux réfugiés d’Angela Merkel en 2015 et 2016. Au point qu’un des chefs de file de l’AfD, Alexander Gauland, a dit pouvoir s’imaginer un gouvernement de coalition entre son mouvement nationaliste et le FDP.
Les Libéraux se préparent en tout à cas à devenir un allié encombrant pour Angela Merkel en cas de coalition. « Comment voudriez-vous construire le pays si vous pouviez recommencer à zéro ? », demande Christian Lindner dans une de ses vidéos électorales.