L’Iran est une nouvelle fois passé sur le gril de Donald Trump.
Lors de son premier discours, très attendu, devant l’Assemblée générale de l’ONU, le président américain s’en est pris à la République islamique avec une extrême virulence, l’assimilant à un « État voyou », au même titre que la Corée du Nord qu’il a menacée de réduire à néant. Donald Trump a de nouveau dénoncé l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015, en le considérant comme « l’un des pires auxquels les États-Unis aient jamais participé » et représentant un « embarras » pour les États-Unis.
« Nous ne pouvons pas laisser un régime meurtrier continuer ses activités déstabilisatrices (…) et nous ne pouvons pas respecter un accord s’il sert à couvrir l’éventuelle mise en place d’un programme nucléaire », a déclaré le président américain, qualifiant l’Iran de « dictature corrompue », sous un tonnerre d’applaudissements de l’hémicycle. Sa diatribe acerbe contre l’Iran va non sans rappeler son allocution prononcée à Riyad le 21 mai dernier. M. Trump avait alors accusé Téhéran d’attiser « les feux du conflit confessionnel et du terrorisme », et appelé « toutes les nations » à « travailler ensemble pour l’isoler », tant que le régime iranien ne montre pas « sa volonté d’être un partenaire dans la paix ». Un appel réitéré hier : « Il est temps que le monde entier se joigne à nous et exige que le gouvernement iranien mette fin à sa quête de mort et de destruction », a-t-il déclaré à l’encontre du régime qui souhaite la « mort de l’Amérique » et la « destruction d’Israël ». Une rhétorique vindicative qui a de quoi réjouir le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, pour qui Téhéran et ses affidés sont les ennemis prioritaires dans la région, perçus comme la principale menace pour la stabilité et la sécurité de l’État hébreu. « En plus de 30 ans à l’ONU, je n’ai jamais entendu un discours aussi clair et courageux (…) », a rapidement réagit M. Netanyahu. Un discours qui, pourtant, pourrait au final servir le camp des conservateurs iraniens et des pasdaran, qui détiennent les clés de la politique régionale, au détriment des modérés et des réformateurs iraniens.
Les propos de Trump, et plus précisément du département d’État, vont totalement dans le sens du message adressé par Benjamin Netanyahu au président russe Vladimir Poutine lors de leur rencontre à Sotchi, le 23 août dernier. Le Premier ministre y avait martelé qu’Israël ne permettrait pas la « libanisation » de la Syrie, situation que Téhéran chercherait, selon lui, à obtenir. Le chant des sirènes anti-Iran du Premier ministre israélien de ces dernières semaines aura donc fait mouche auprès de l’administration américaine qui s’est emparée du même vocabulaire. En comparant la situation libanaise à la syrienne, Washington sous-entend rejeter d’abord la possible féodalisation de la Syrie par l’Iran, à l’instar de celle opérée actuellement sur le Liban. Mais il met en garde aussi contre la possibilité de l’émergence d’un second front contre Israël, cette fois, à la frontière syrienne.
Sauf que les déclarations tambour battant de Donald Trump d’une part et les apartés du département d’État de l’autre restent empreints de paradoxes. Entre ce qui est dit, très fort, et ce qui est en réalité fait, il y a un fossé.
Réflexion poussive
Un paradoxe sur le dossier nucléaire d’abord. Si Donald Trump semble toujours aussi proche d’une remise en cause de l’accord signé par les grandes puissances avec Téhéran pour encadrer le programme nucléaire de ce pays et s’assurer qu’il ne serve pas à le doter de l’arme atomique, il semblerait en coulisses qu’il ne parvienne pas à trancher sur la question. Il y a quelques jours à peine, Washington annonçait s’accorder le temps de la réflexion sur sa politique vis-à-vis de Téhéran, ainsi que maintenir l’allègement des sanctions liées au dit accord. Ces hésitations sont notamment la preuve que Washington n’a pas de stratégie claire, mais qu’il tient également à ne pas se mettre à dos les autres signataires du traité, à savoir la France, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni et l’Allemagne. « Modifiez-le ou abandonnez-le », a insisté Benjamin Netanyahu dans son discours à l’ONU, hier. Le président français Emmanuel Macron, s’exprimant pour la première fois dans l’hémicycle des 193 États membres des Nations unies, a d’ailleurs affirmé que dénoncer l’accord iranien serait une « lourde erreur ». « Ne pas le respecter serait irresponsable », a-t-il ainsi mis en garde, alors que Donald Trump doit rendre sa décision d’ici à mi-octobre de « certifier » ou non devant le Congrès que Téhéran respecte les termes de cet accord. Par ailleurs, le président iranien Hassan Rohani a estimé que plus personne ne fera confiance aux États-Unis si Washington se retire de l’accord, dans une interview à la chaîne NBC. « Les propos effrontés de Trump, qui ne tiennent aucun compte de la lutte menée par l’Iran contre le terrorisme, traduisent sa méconnaissance des choses, son ignorance », a surenchéri dans la soirée le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif.
Un second paradoxe entre le discours et les actions de Donald Trump est visible. S’il affirme haut et fort vouloir contrer l’influence iranienne en Syrie et dans la région, le désengagement criant des États-Unis sur le dossier syrien laisse penser le contraire. Et ce au grand dam d’Israël, qui n’hésitait pas, hier encore, à tracer ses propres lignes rouges. Car l’engagement des États-Unis est resté ambigu en raison des doutes de Washington sur la capacité des rebelles à renverser Bachar el-Assad et de la priorité donnée au combat contre le groupe État islamique. Certes, les États-Unis souhaitent endiguer le fameux corridor chiite qui s’établit entre Téhéran, Bagdad, Damas et Beyrouth, mais sans pour autant s’impliquer davantage sur le sol syrien. Donald Trump n’a-t-il pas dit d’ailleurs, il y a moins de deux semaines, que les États-Unis n’avaient « pas grand-chose d’autre à faire (en Syrie) que de détruire l’État islamique » ? Ou comment interpréter le discours d’un homme qui, en matière de politique étrangère, a pour l’instant dit tout et son contraire.