Catalogne: « Voir des policiers bousculer des personnes âgées, cela m’a choquée »

La police espagnole a chargé des manifestants dans plusieurs bureaux de vote ce dimanche matin. Témoignage d’une Catalane qui a assisté à la scène, à Barcelone.

Des policiers casqués qui pénètrent de force dans des bureaux de vote pour récupérer urnes et des bulletins. Des personnes blessées et des manifestants remontés. Le référendum interdit pour l’autodétermination de la Catalogne tourne ce dimanche au bras de fer entre indépendantistes et pouvoir catalan. Des témoins ont fait état de l’usage de la violence par la police, et notamment de balles en caoutchouc en marge de ce scrutin interdit par la justice. 38 personnes ont été blessées par les charges policières, selon un premier bilan fourni par les services d’urgence. Le président catalan a dénoncé une « violence injustifiée ».

Judith Escales, traductrice espagnole, a tenté de voter, en vain, ce dimanche matin avec sa soeur. Son bureau de vote était installé dans le centre de santé de Guinardo, quartier populaire du nord de Barcelone, assez éloigné du centre-ville. Encore choquée par les événements, elle nous raconte par téléphone la scène à laquelle elle a assisté.

« Nous sommes arrivés sur place dès 5h30 ce matin. Une centaine de personnes étaient déjà présentes. On nous avait dit que la police pourrait faire fermer le bureau de vote s’il n’y avait pas suffisamment de monde. Alors, pendant tout le week-end, des personnes se sont relayées, dormaient sur place, des activités ludiques étaient organisées. À 6h, ce matin, il y avait par exemple un cours de yoga. L’ambiance était bon enfant. La police passait et se contentait d’établir une main courante pour constater leur impossibilité d’entrer.

« Je n’avais jamais vu de violence d’aussi près »

Mais vers 9h, heure à laquelle le centre devait ouvrir [pour le vote], la situation s’est tendue d’un coup. Une bonne vingtaine de policiers, lourdement protégés, munis de casques comme lors des manifestations, sont intervenus. Les personnes présentes se pressaient devant la porte pour ne pas les laisser entrer. Avec ma soeur, nous nous trouvions à proximité de l’entrée. Les choses se sont passées très vite. Les policiers ont commencé à charger. Je les ai vus pousser violemment des gens. Quand je les ai aperçus s’en prendre à des personnes âgées, j’ai été choquée. Des gens étaient par terre, ils ont été pris en charge ensuite par des ambulances. Je n’ai pas vu de blessures graves.

Quand les forces de l’ordre sont sorties du centre, tout le monde s’est mis à chanter et à scander ‘Dehors!’, ‘On va voter’, en les escortant jusqu’à leurs voitures. Depuis, j’oscille entre déception et incrédulité. La nuit avait été tellement tranquille, on pensait qu’on pourrait voter. Je n’avais jamais vu de violence d’aussi près moi qui n’aime ni les manifestations ni les endroits où la foule est dense. Bien sûr, les policiers ont reçu des ordres. C’était le seul moyen qu’ils avaient pour faire échouer le référendum. Mais voir cette image de personnes âgées bousculées m’a profondément choquée.

« On va avoir du mal à pardonner »

Que cette consultation ne soit pas représentative me brise le coeur. Je voudrais que tous les Catalans puissent s’exprimer. Dans l’idéal, j’aimerais une Catalogne indépendante, même si je pense que ce n’est pas réaliste à court terme. Ce que je voudrais, c’est juste qu’on puisse voter pour en finir avec tout ça. Au moins, on saurait où on en est, ce que tout le monde pense. Je ne sais pas de quoi Rajoy a peur. Si ce n’est perdre sa place.

Après les événements de ce dimanche, j’ai encore plus envie de voter. J’ai le sentiment qu’on va avoir du mal à pardonner ce qu’il s’est passé. »

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