Après référendum du 1er octobre sur l’indépendance de la Catalogne, faut-il s’attendre à un effet de contagion en Europe ? Les spécialistes Barbara Loyer et Vincent Laborderie livrent quelques éléments de réponse.
Après un premier référendum illégal en 2014, la Catalogne a organisé un nouveau vote d’autodétermination le 1er octobre 2017 malgré la farouche opposition de Madrid. Le gouvernement de la région autonome espagnole revendique plus de 90 % de oui (pour 40 % de participation), de quoi faire pâlir d’envie les autres mouvements indépendantistes européens.
Pour Barbara Loyer, professeur à l’Institut français de géopolitique de l’université Paris 8, « le potentiel de déstabilisation [dans le reste de l’Europe] est très grand ». Elle estime que les images de violences entourant le scrutin catalan sont particulièrement dangereuses : « Cela ouvre le débat sur la question de la démocratie, on réduit les incidents à un affrontement du peuple face à l’État et la police. C’est du pain béni pour le régionalisme en Europe ». Et pourtant, souligne Barbara Loyer, même si l’Espagne est l’un des pays les plus décentralisés du continent, elle n’est pas parvenue « à changer le rapport au nationalisme ».
À l’inverse, Vincent Laborderie, maître de conférences à l’Université catholique de Louvain, en Belgique, pointe des contextes historiques et culturels bien trop différents en Europe « pour qu’il y ait un retentissement ». « La répression policière peut peut-être inciter les Catalans qui étaient indécis à défendre le peuple, mais le scrutin entaché de violences risque surtout de décourager » les séparatistes ailleurs en Europe, selon lui.
Basques, Écossais, Flamands… tour d’horizon des indépendantistes qui pourraient – ou pas – s’inspirer du référendum catalan.
PAYS BASQUE
Après le référendum catalan, les regards se tournent naturellement vers l’autre poche séparatiste d’Espagne : le Pays basque. Cette région autonome au statut particulier dispose depuis la fin des années 1970 de compétences élargies. Si durant des décennies sa lutte pour l’indépendance a été incarnée par les combats menés par le mouvement séparatiste et terroriste ETA, celui-ci a déposé les armes depuis le printemps 2017.
D’après Barbara Loyer et Vincent Laborderie, la contagion est donc peu probable. « Ils ont déjà plus d’autonomie que la Catalogne, et notamment l’autonomie fiscale longtemps demandée par Barcelone », explique Vincent Laborderie qui ajoute que pour l’heure le Pays basque cherche plutôt “à panser les plaies de la guerre civile”.
BALKANS
Ravagés par la guerre civile dans les années 1990, la situation dans les pays de l’ex-Yougoslavie demeure tendue. « On peut imaginer que la province autonome de la Voïvodine en Serbie veuille réclamer davantage. Il y a la Bosnie également où la partie serbe pourrait aussi faire un référendum. La différence avec l’Espagne, c’est que les policiers ne pourraient pas s’interposer car ils n’en ont pas les moyens”, note Vincent Laborderie.
FLANDRE
Région néerlandophone de la Belgique, la Flandre possède un important mouvement nationaliste. Cette région dispose déjà de son propre Parlement où les nationalistes détiennent une cinquantaine de sièges sur un total de 124.
« Les Flamands sont prêts pour l’indépendance, mais y ont-ils intérêt ? Ils sont déjà dans un système quasiment confédéré dans lequel l’État central n’a presque plus de prérogatives”, affirme Barbara Loyer. Du même avis, Vincent Laborderie pense même que la Flandre n’a « jamais été aussi loin de l’indépendance » : « Après la crise politique de 500 jours entre 2010 et 2011 qui a donné lieu à la 6e réforme de l’État, la Flandre a obtenu plus de compétences, ses demandes ont été satisfaites. De plus, le N-VA [Alliance néo-flamande à l’idéologie régionaliste, NDLR] est entré au gouvernement fédéral et peut influencer la politique de l’intérieur ». Si deux députés du N-VA ont claqué la porte du parti pour faire part de leur mécontentement, les dissensions restent, pour l’instant, surtout internes au mouvement et la stabilité demeure de mise.
Le N-VA a toutefois critiqué les violences policières lors du référendum catalan déclarant sur Twitter qu’il n’y avait « pas de place en Europe pour des responsables politiques qui recourent à la violence. Ceux qui continuent de rejeter un appel à une médiation internationale nient la démocratie. » Le Premier ministre belge, Charles Michel est, pour sa part, l’un des seuls dirigeants européens à avoir aussi pris position : « La violence ne peut jamais constituer une réponse ! Nous condamnons toutes les formes de violence et réaffirmons notre appel au dialogue politique », a-t-il écrit sur Twitter.