Crise catalane : le populaire chef de la police Trapero – en première ligne de la crise catalane

Présenté comme un leader charismatique de la police catalane, l’homme a ses partisans et ses détracteurs. Accusé de sédition, il risque une peine de quinze ans de prison.

Ce fut la première réaction de l’État espagnol après la rude allocution royale de mardi soir. Le charismatique chef de la police catalane (les « Mosos ») Josep Lluis Trapero, est convoqué « en vue de [son] inculpation », dans le cadre d’une « enquête pour sédition » , passible de quinze ans de prison pour un fonctionnaire.

Le patron des Mosos est originaire de Barcelone, né en 1965. Fils d’un chauffeur de taxi, il débute sa carrière comme agent en 1990, avant de gravir, un à un, les échelons de police catalane. Plus de vingt ans plus tard, il devient chef du commissariat général d’enquête criminelle, puis commissaire en chef des Mossos en 2013, et enfin major, en avril dernier, le plus haut grade des Mossos d’Esquadra.

« Téméraire », « opiniâtre » et « intelligent »

« Il a beaucoup travaillé pour en arriver jusque-là », a expliqué un policier à Euronews. Au moment de sa nomination, décidée par le président indépendantiste de la Catalogne, Carles Puigdemont, El Pais le décrit comme « téméraire », « opiniâtre », « intelligent et travailleur », jouissant d' »une assurance à double tranchant ».

Au fil des années, Josep Lluis Trapero s’est forgé une certaine vision de la police. En 2011, après les rassemblements des Indignés place de la Catalogne, à Barcelone, et les violences policières qui ont suivi, il déclare que la société ne tolère plus les images d’un policier frappant un manifestant. Fait rare, il s’excusera publiquement auprès d’une manifestante ayant perdu son oeil suite au tir d’un flash-ball en 2012.

L’enquête qui inquiète aujourd’hui Trapero, ainsi qu’une de ses subalternes et deux dirigeants d’associations indépendantistes, porte sur des faits survenus le 20 septembre, lorsque l’arrestation de 14 hauts responsables de l’exécutif séparatiste catalan avait provoqué d’importantes manifestations contre la Garde civile nationale à Barcelone. Les gardes civils n’avaient pas pu sortir du bâtiment avant le petit matin et les manifestants s’en étaient pris à leurs voitures. Les Mossos d’Esquadra ont été accusés de ne pas être intervenus assez vite.

On leur reproche également de ne pas avoir empêché l’ouverture des bureaux de vote lors du référendum d’autodétermination interdit de dimanche. Le 12 septembre, lors d’une réunion, Josep Lluis Trapero avait pourtant reçu l’ordre de s’exécuter.

Chapeau de paille et chemise hawaïenne

Celui qui est dépeint comme un leader charismatique était jusque-là resté loin des caméras. Une seule controverse était venue noircir le tableau. En août 2016, il est photographié lors d’une soirée privéeavec Carles Puigdemont, à Cadaquès. Ces images de lui en chapeau de paille, chemise hawaïenne ouvrent un débat sur la neutralité de la police de la région et sur son indépendance. Mais elles lui permettent aussi d’obtenir le soutien de beaucoup de Catalans sur les réseaux sociaux.

Détracteurs ou partisans, Josep Lluis Trapero ne laisse aucun Espagnol indifférent. En quelques mois au poste de chef de police, il s’est fait connaître pour son franc-parler. En juillet dernier, il suggérait ainsi que les millennials, les jeunes nés entre 1980 et 1995, étaient « largement qualifiés » pour diriger la police catalane, en prévenant tout de même qu’ils étaient « peu patient », avaient « une faible tolérance à la frustration » et « un manque de loyauté et d’engagement », selon El Pais.

« Une question en catalan, je réponds en catalan »

Un autre événement viendra finir d’asseoir sa popularité dans la région : l’attentat des Ramblas de Barcelone en août dernier. C’est lui qui dirigera les enquêtes et les multiples conférences de presse, reconnu pour son professionnalisme. Lorsqu’un journaliste lui demande si les migrants qui arrivent en Catalogne sont « une menace ou de possibles terroristes », il assure qu’il ne se « permet jamais de dire qu’un immigrant est une menace », selon Catalan News qui rapporte ses propos.

Le journal raconte une autre anecdote. Alors que la police vient de tuer le terroriste des Ramblas, Josep Lluis Trapero répond à une question en catalan lors d’une conférence de presse. Un journaliste hollandais l’interrompt lui demandant de parler en espagnol. Le chef de police ne s’exécute pas. Au contraire: « Quand on me pose une question en catalan, je réponds en catalan, quand on me pose une question en espagnol, je réponds en espagnol ».

Le journaliste finira par quitter la salle. Plein d’ironie, Josep Lluis Trapero de rétorquer en espagnol, puis en catalan: « Bueno, pues molt bé, pues adios ». Soit « eh bien, alors eh bien, alors au revoir ».

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