Intellectuels, responsables politiques ou acteurs associatifs, ils investissent l’espace médiatique. A leurs yeux, le musulman incarne la nouvelle figure de l’opprimé et il importe de le défendre contre l’homme blanc, qu’ils accusent de toutes les fautes.
Peu importe l’origine, la religion, la couleur de peau ou le sexe. L’islamosphère est un club dont les membres se cooptent selon un seul critère: la lutte contre l’oppresseur, à savoir l’homme blanc ou, à l’occasion, la femme blanche de plus de 50 ans, et leurs complices arabes. Ils honnissent Alain Finkielkraut, dont ils dénoncent régulièrement l’«hystérie» contre l’islam, Elisabeth Badinter, qui a le culot de «ne pas craindre d’être traitée d’islamophobe», et peut-être plus encore Kamel Daoud, coupable entre autres méfaits d’avoir dénoncé «la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme» après les agressions de la nuit du Nouvel An à Cologne, en 2016.
L’islamosphère étend son influence dans le monde intellectuel, politique, dans les médias et les réseaux associatifs. Elle a ses rendez-vous annuels, comme les Y’a bon Awards. Sous couvert de «distinguer» les auteurs de propos racistes, cette cérémonie s’est muée en tribunal médiatico-mondain de l’«islamophobie». Le «camp d’été anticolonial» est également très prisé, même s’il est «réservé uniquement aux personnes subissant à titre personnel le racisme d’Etat en contexte français», autrement dit, s’il est interdit aux Blancs.
Le noyau dur
Les membres de l’islamosphère entretiennent des liens à géométrie variable avec les organisations musulmanes de France, elles-mêmes travaillées par la montée du fondamentalisme. Ces associations, censées organiser le culte et représenter une «communauté» en plein essor évaluée entre 4 et 7 millions de personnes, étaient à l’origine regroupées par nationalités. C’était ce que l’on appelait «l’islam consulaire», avec quatre organisations principales: la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris, proche de l’Algérie ; la Fédération nationale des musulmans de France et sa branche dissidente, le Rassemblement des musulmans de France, soutenus par le Maroc ; le Comité de coordination des musulmans turcs de France, sous l’influence d’Ankara.
Ce quadrillage historique a progressivement perdu de son emprise, notamment du fait de la poussée de trois formes de fondamentalisme. Le plus ancien est celui des pays du Golfe comme l’Arabie saoudite, qui diffuse le wahhabisme, idéologie religieuse ultrarigoriste, et finance la construction de mosquées, comme celles de Strasbourg, Saint-Denis et Cergy. Plus récemment, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) – rebaptisée Musulmans de France (MDF) en avril dernier – s’est imposée comme un acteur majeur. Fondée en 1983 par des étudiants tunisiens dans la mouvance des Frères musulmans – une organisation d’origine égyptienne prônant l’instauration d’une société islamique régie par la charia -, l’UOIF est très active sur le terrain social. Son président actuel, Amar Lasfar, recteur de la mosquée de Lille-Sud, appelle officiellement au respect des valeurs de la République. «Mais grâce à l’UOIF, les Frères musulmans ont réussi leur implantation ici, notamment avec des visées communautaristes, comme l’ouverture d’écoles privées musulmanes», estime Mohamed Louizi, un ancien cadre de cette organisation, auteur du livre Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans (Michalon).