Des dizaines de milliers de personnes manifestaient samedi en Espagne pour l’« unité » et le « dialogue » dans la crise ouverte depuis le « référendum » catalan d’autodétermination, alors que les séparatistes envisagent de déclarer l’indépendance unilatérale de la Catalogne dans les prochains jours.
Sur la place Colon, des Madrilènes venus afficher leur « patriotisme » agitaient des drapeaux espagnols tout en scandant des slogans hostiles aux dirigeants catalans séparatistes, à l’origine de la consultation de dimanche dernier interdite par la justice espagnole.
« Je ne veux pas qu’on mette un Mur de Berlin »
« Je suis venue pour montrer l’unité de l’Espagne », expliquait à l’AFP Rocio Villanueva, 30 ans. Octavi Puig, un retraité catalan qui vit à Madrid, a dit manifester « parce que je ne veux pas qu’on mette un Mur de Berlin pour aller là où se trouvent les morts (de sa famille) et mes proches ». Selon le bureau du représentant du gouvernement conservateur à Madrid, ils étaient 50.000. Plusieurs milliers de personnes vêtues de blanc, réclamaient un « dialogue » entre les Catalans et le reste de l’Espagne. Des manifestations similaires ont aussi eu lieu à Valence (sud-est), Saragosse et Valladolid (nord), entre autres.
Les tensions entre Madrid et les séparatistes au pouvoir en Catalogne depuis début 2016 ont plongé le pays dans sa plus grave crise politique depuis son retour à la démocratie en 1977. La crise, qui inquiète aussi l’Europe, touche également la Catalogne, où vivent 16 % des Espagnols car selon les sondages la moitié de la population n’est pas indépendantiste. Dimanche, une autre manifestation « pour retrouver la sagesse » est prévue à Barcelone. L’écrivain Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature de nationalités péruvienne et espagnole, qui a qualifié l’indépendantisme catalan de « maladie », y participera.
« Gagner du temps »
Le préfet, principal représentant de l’Etat en Catalogne, a pour la première fois présenté des excuses au nom des forces de l’ordre vendredi pour les violences policières qui ont émaillé le référendum interdit de dimanche, faisant au moins 92 blessés et scandalisant l’opinion. Le président régional, Carles Puigdemont, lui, a annoncé qu’ il repoussait son intervention devant le Parlement catalan, prévue lundi. Les séparatistes envisageaient d’y prononcer une déclaration d’indépendance unilatérale. La nouvelle séance est prévue mardi, l’ordre du jour portant simplement sur la « situation politique ».
Les parlementaires opposés à l’indépendance ont cependant dit se méfier des véritables intentions de Carles Puigdemont, qui a diffusé vendredi les résultats définitifs, et invérifiables faute de commission électorale, du référendum interdit : 90,18 % de « oui » à la sécession avec un taux de participation de 43 %. Le report de l’annonce pourrait viser à « gagner du temps », notait samedi le quotidien catalan La Vanguardia. Car les dirigeants catalans ont besoin de réfléchir « à ce qu’ils comptent faire » de cette déclaration d’indépendance unilatérale, poursuit le journal. Une « République catalane » serait en effet automatiquement exclue de l’Union européenne.
Les tensions et la perspective d’une Catalogne indépendante effrayent les milieux économiques. Plusieurs entreprises, dont les banques centenaires CaixaBank et Banco de Sabadell, ont déjà décidé de transférer leurs sièges sociaux hors de Catalogne. Les responsables des Entreprises au sein du gouvernement catalan, Santi Vila, réputé proche du président régional, a, lui, réclamé un « cessez-le-feu ».