Recrutés sur place ou venus des autres coins du monde, des dizaines de milliers de djihadistes qui croyaient gagner les clés du paradis terminent dans des fosses communes ou, pire, mangés par les chiens errants en Irak et en Syrie.
La coalition conduite par les Etats-Unis affirme à l’AFP que 80 000 djihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont péri depuis sa constitution en septembre 2014. Il faut y ajouter ceux tués par l’aviation russe et le régime de Damas.
En Irak, la colère des paysans sunnites
A Dhoulouïya, à 90 km au nord de Bagdad, la terre ocre porte encore les traces des bulldozers qui ont enterré à la va-vite des dizaines de djihadistes tués lors des combats de 2015. Sur des restes humains encore visibles, des mouches s’agglutinent dans une odeur pestilentielle. « Ils auraient dû finir dans l’estomac des chiens. Si on les a enterrés ici, ce n’est pas par amour pour eux mais pour éviter des maladies« , assure Mohammed al-Joubouri, policier dans cette localité agricole, fief de la tribu sunnite des Joubouri qui a empêché l’EI d’y entrer au prix de 250 morts. « On aurait pu les jeter à l’eau mais on aime trop le fleuve pour le polluer. Les gens du coin et leurs animaux boivent l’eau du Tigre », ajoute celui qui a perdu un frère, tué au combat contre l’EI.
« Nous les avons enterrés avec des bulldozers » et non selon le rite musulman, assure Chaalane al-Joubouri, agriculteur d’une quarantaine d’années. « Même sous terre, ils sont restés dans leur crasse. Ils disaient qu’ils iraient au paradis et goûteraient aux jardins des délices, mais voilà comment ils ont fini. »
A quelques centaines de mètres de là, un autre cimetière se dresse, entouré d’un mur de briques rouges : celui des « martyrs protecteurs des foyers« , tombés en combattant les djihadistes. Eux ont des tombes, ombragées par des arbres, et même d’immenses posters avec leur photo.
Quelques sépultures
Dans la province sunnite d’Al-Anbar, les djihadistes les plus chanceux sont ceux tués pendant que leurs compagnons d’armes contrôlaient la région jusqu’en 2015. Au centre de Fallouja, première ville prise par l’EI en 2014, des stèles d’un cimetière improvisé portent les noms de guerre de combattants étrangers enterrés par leurs camarades.
Pour les autres, c’est l’anonymat des fosses communes, explique à l’AFP le général Mahmoud al-Fellahi, qui dirige les opérations dans cette province où se trouve le dernier bastion irakien de l’EI.
Dans la province de Ninive, avec sa capitale Mossoul où les pertes de l’EI ont été les plus lourdes, un haut-gradé se rappelle avoir utilisé des bulldozers « pour enterrer les djihadistes après avoir rassemblé des informations sur leur identité et leur nationalité« .
En Syrie, leur sort n’est pas une priorité
Dans la partie syrienne du « califat » proclamé en 2014, le sort des quelque 50 000 djihadistes tués selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) n’est pas plus enviable.
Un responsable militaire syrien est très clair : « Pour le moment, on s’intéresse davantage à ce qui se passe sur le terrain que sous la terre« . Une autre source militaire syrienne assure que « les terroristes essaient de prendre leurs morts. Si c’est nous qui les récupérons, nous cherchons à identifier les étrangers pour d’éventuels échanges d’informations avec leurs pays d’origine« .
Loin des zones urbaines, dans le désert de Deir Ezzor, d’Alep ou de Raqqa, les corps des djihadistes sont abandonnés et, selon le chef d’une milice pro-régime, « les chiens du désert attendent« .
« Dès la fin des combats, les chiens sortent de leur cachette et viennent chercher les dépouilles. Il faut faire attention à ne pas laisser un chien s’approcher car il peut être atteint d’une maladie infectieuse« , conseille-t-il à un journaliste de l’Agence France-Presse.
Dans la ville de Raqqa, bastion syrien de l’EI avant que les Forces démocratiques syriennes (FDS, une alliance kurdo-arabe) s’en emparent presque entièrement, Mustefa Bali, responsable de la presse des FDS, assure que « les corps (des djihadistes) sont généralement enterrés« . « Mais il arrive, à cause des francs-tireurs ou parce qu’ils sont sous les décombres, que certains corps se décomposent« , ajoute-t-il.
Des lieux tenus secrets
Selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH, « les personnalités connues et réclamées par la communauté internationale sont enterrées dans des lieux secrets« . Par exemple, dit-il, « on ne sait pas où sont enterrés Jihadi John (qui avait exécuté deux journalistes occidentaux), (l’ex porte-parole) Abou Mohammed al-Adnani, ou leur chef militaire Omar al-Shishani. »
Et jusqu’à maintenant, précise-t-il, « nous n’avons jamais enregistré l’envoi de corps de djihadistes étrangers vers leur pays d’origine« .