36 heures après le double attentat le plus meurtrier de l’histoire de la Somalie dont le dernier bilan officiel est de 276 personnes tuées et de 300 blessés, Mogadiscio continue de pleurer ses morts.
De tenter de les retrouver aussi. Les hôpitaux et les morgues ont été pris d’assaut. La double attaque a semé la désolation et le chaos. Dans l’un des principaux hôpitaux, au Medina, les équipes médicales n’ont pas arrêté depuis samedi 15 heures. Témoignage du chef de l’hôpital, le docteur Mohamed Yusuf.
Le chef de l’hôpital, le docteur Mohamed Yusuf, nous explique que 218 cadavres ont été emmenés à la morgue de son hôpital. Joint par RFI, il est sous le choc, traumatisé par ce qu’il a vu et son récit, glaçant, recoupe celui des autres secouristes, journalistes et témoins.
Docteur Yusuf : on a reçu 71 personnes… Deux sont morts de leurs blessures… 21 blessés légers, et 46 sont dans un état critique… Et pour tous les 218 cadavres carbonisés, des familles des proches ont afflué… Tous venaient pour recueillir les restes de leurs proches, mais personne ne les reconnaissait. C’était inimaginable…
Je me sens très triste, vraiment pas bien… les choses s’amélioraient ces derniers temps et soudain survient la plus grosse explosion… Son intensité, je n’ai jamais ressentie une chose pareille auparavant, si forte, horrible…
« Une boule de feu »
C’était sans précédent… C’était totalement, totalement, totalement différent… La déflagration a soufflé toutes les constructions aux alentours… C’était une place pleine de monde, de circulation, d’embouteillages tout le temps… Et quand l’explosion survient, elle emporte tout, les voitures, les bus…Une boule de feu… les gens ont été brûlés vifs dans les bus, les voitures… et toutes ces victimes ont été emmenées à l’hôpital… On ne les reconnaissait pas… Carbonisés, vous me suivez…
Rfi : Que faisiez-vous au moment de l’explosion ?
A ce moment, j’ai pensé que l’explosion était sur moi…
Rfi : A quelle distance étiez-vous ?
600 mètres… j’ai cru que mon torse allait exploser… Horrible… Et dix minutes après, les premières ambulances arrivaient à l’hôpital et on a commencé à travailler alors que [l’on s’apprêtait à ] se reposer car il était 15 heures et on avait commencé à travailler tôt le matin… On pensait partir quand est arrivée cette horreur… Imaginez un peu…Ces civils qui étaient aux alentours de l’explosion…Tous ont été tués…Vous comprenez ?!
Rfi : vous ne vous attendiez absolument à une attaque de cette ampleur?
Vous savez, je vis à Mogadiscio et travaille dans cet hôpital depuis 2002. Avant je vivais à l’étranger. Et de 2002 à aujourd’hui on n’a jamais vu l’explosion d’une telle bombe avec cette intensité.
On avait vu des explosions répétées, des échanges de tirs entre les deux camps, beaucoup de blessés… On est à Mogadiscio en Somalie, et la violence est là depuis longtemps… Mais voilà, les choses allaient mieux, le pays un peu mieux aussi jusqu’à ce samedi…
Mais vous savez… la vie continue… On avance…
Rfi : et est-ce difficile de se dire parfois que la vie continue ?
Oui… mais le gouvernement fait beaucoup d’efforts pour améliorer la situation et les gens lui font confiance car il fait des efforts… Il y a du mieux… [C’est] moins pire qu’il y a quelques années… Mais voilà… cette explosion.va rester dans toutes les mémoires…