Warda Naili affirme que la première fois qu’elle a revêtu un niqab il y a six ans, le foulard est instantanément devenu une partie d’elle-même.
La Québécoise, convertie à l’islam, a indiqué avoir décidé de se couvrir le visage par souhait d’exercer sa religion de manière plus authentique et de protéger sa modestie.
Et au sein d’une société marquée par le pouvoir de l’image, elle a trouvé libérateur que les gens aient désormais à entrer en contact avec elle en fonction de son identité, et non de son apparence.
«Mon interprétation – et c’est très personnel – est que mon niqab est mon rideau portatif. Je peux aller n’importe où et être approchée, et approcher les gens comme je le veux», a soutenu Warda Naili, âgée de 34 ans, en entrevue près de son domicile à Montréal.
Fatima Ahmad, une étudiante universitaire montréalaise âgée de 21 ans, a dit avoir senti le besoin de commencer à porter le niqab il y a un peu plus d’un an, durant le mois du ramadan.
«J’ai réalisé que c’était quelque chose que je voulais faire, et j’ai adoré. Cela fait partie de ma dévotion envers Dieu et cela a aussi à voir avec la modestie», a-t-elle fait valoir.
Warda Naili et Fatima Ahmad figurent parmi les femmes musulmanes qui s’inquiètent de leur sort dans la foulée du projet de loi sur la neutralité religieuse du gouvernement du Québec.
Des gens se sont couvert le visage et ont tenu une autre action symbolique contre la loi, dimanche, à Montréal.
Le projet de loi, qui a été adopté mercredi, prévoit notamment que tous les services publics au Québec devront être donnés et reçus à visage découvert – notamment dans les transports publics et dans les hôpitaux. La loi permet toutefois des accommodements raisonnables, accordés à la pièce.
Bien que la loi ne fasse pas mention d’une religion en particulier, plusieurs estiment qu’elle cible injustement les femmes musulmanes portant un voile couvrant le visage.
Fatima Ahmad a affirmé que la loi pourrait techniquement l’empêcher de suivre ses cours à l’université, bien qu’elle espère que ce ne sera pas le cas puisque la plupart des membres du département avec qui elle a discuté ont affirmé la soutenir.
Elle prend aussi l’autobus et le métro pour se rendre à l’université et dans des événements à caractère social.
À l’avenir, elle a dit croire qu’elle devra demeurer à la maison plus souvent.
Pour sa part, Warda Naili a soutenu qu’elle demeurait déjà à la maison la plupart du temps pour éviter la discrimination dont elle fait l’objet dans les endroits publics. Elle continuera de se rendre régulièrement à l’hôpital en raison de certains problèmes de santé.
Elle a dit ne pas comprendre comment la loi peut prétendre aider les femmes, alors qu’elle la fera dépendre de son mari pour le transport et la contraindra à modifier sa façon de se vêtir.
«Je veux contrôler à qui je donne l’autorisation d’avoir accès à mon corps. Je crois que chaque femme, chaque personne, devrait avoir ce droit», a soutenu Warda Naili.
Les deux femmes ont dit avoir fait le choix personnel de porter le niqab, en vertu de leur propre interprétation de leur religion.
Mais malgré qu’il ait s’agit d’un choix, ni l’une ni l’autre estime pouvoir simplement retirer le voile, sauf exception à des fins d’identification.
«C’est quelque chose de très personnel pour moi, cela fait partie de qui je suis, de mon identité. Ce n’est pas quelque chose que je peux simplement retirer pour recevoir un service public», a affirmé Fatima Ahmad.
Depuis son adoption mercredi, le projet de loi a fait l’objet de débats enflammés. Des responsables municipaux, incluant le maire de Montréal, Denis Coderre, ont affirmé qu’ils ne comptaient pas appliquer ses mesures aux services dans leur ville.
Et ce ne sont pas toutes les femmes ayant porté le niqab qui ont une vision positive du foulard couvrant le visage.
Ensaf Haidar, la femme du blogueur emprisonné Raïf Badawi, a souligné avoir dû porter le niqab en Arabie saoudite à certains moments parce que cela était obligatoire.
Elle estime que le niqab est une manière d’effacer les femmes dans l’espace public et a dit croire qu’il n’avait pas sa place au Québec ou au Canada.
«Si le niqab est là, la femme est absente. Elle est comme un fantôme», a-t-elle affirmé.
Ensaf Haidar réside à Sherbrooke, avec ses trois enfants, alors qu’elle se bat pour la libération de son conjoint, qui purge une peine de prison de dix ans pour ses critiques du pouvoir religieux saoudien.
Elle a dit ne pas croire que le port du niqab puisse être un choix et a dit espérer qu’il ne soit plus présent au Canada un jour.
«Nous sommes venus ici pour être libres. Nous sommes ici car il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire dans notre pays. Je suis ici, je suis une femme autonome, une femme indépendante», a lancé Ensaf Haidar.