Une allocution du président séparatiste catalan, Carles Puigdemont, prévue jeudi en début d’après-midi puis reportée d’une heure, a finalement été « suspendue ».
L’allocution solennelle du président catalan était attendue à 13h30. Après avoir été repoussée d’une heure, elle a tout simplement été annulée. «La déclaration est suspendue», a déclaré un porte-parole du gouvernement régional sans livrer la moindre explication sur cette volte-face. L’Espagne attend de savoir si Barcelone va convoquer des élections régionales pour éviter une mise sous tutelle de sa région aux conséquences incalculables. La convocation d’élections anticipées est annoncée par plusieurs médias locaux. Selon La Vanguardia , qui ne cite toutefois pas ses sources, le scrutin pourrait intervenir le 20 décembre.
Carles Puigdemont est particulièrement sous pression, y compris dans son propre parti conservateur indépendantiste, pour convoquer immédiatement des élections régionales. Mais la question divise le camp séparatiste. Deux élus de son parti au parlement régional ont démissionné dans la matinée de leur mandat et du parti, invoquant un désaccord avec une de ses décisions. L’un d’entre eux, Jordi Cuminal, a assuré sur son compte Twitter que Carles Puigdemont avait choisi de convoquer des élections régionales, sans que le gouvernement catalan ne l’ait encore officiellement confirmé. La CUP, autre parti de la coalition séparatiste, le pousse à faire une déclaration unilatérale d’indépendance de la région.
Au même moment, des milliers d’étudiants étaient rassemblés jeudi dans les rues du centre de la capitale catalane, Barcelone, pour soutenir la proclamation d’une république indépendante et protester contre la mise sous tutelle de la Catalogne prévue par Madrid. «Nous sommes ici pour défendre les institutions catalanes. Le gouvernement espagnol veut appliquer (l’article 155 de la Constitution) pour destituer le gouvernement catalan», explique à l’AFP Pol Moratalla, 18 ans. «La démocratie est comme une drogue, si tu ne la défends pas, ils peuvent te la voler et te l’enlever», s’insurge Judith Campos, 19 ans. Le mouvement Universités pour la République et le Syndicat étudiant ont appelé à une journée de grève dans les universités dans les quatre plus grandes villes catalanes.
La crise entre Madrid et Barcelone à la suite du référendum d’autodétermination du 1er octobre, déclaré illégal par les autorités centrales, est à un point de bascule. La présidente du Parlement catalan, l’indépendantiste Carme Forcadell, a annoncé jeudi que son assemblée siègerait à partir de 17 heures. Le Sénat espagnol doit, lui, se prononcer vendredi sur la mise en œuvre des mesures d’exception réclamées par le gouvernement de Mariano Rajoy dans le cadre de l’article 155 de la Constitution afin de mettre sous tutelle l’exécutif régional de Catalogne. Madrid veut aussi organiser de nouvelles élections régionales dans un délai maximal de six mois. Après avoir laissé entendre par certains de ses conseillers qu’il pourrait se rendre à Madrid, Carles Puigdemont a fait savoir mercredi par un de ses porte-parole qu’il avait repoussé une invitation à s’exprimer devant le Sénat.
Dans une lettre adressée jeudi à la chambre haute, le président catalan estime que la mise sous tutelle de sa région «dépossédera le peuple de Catalogne de ses institutions». «Pour résoudre ce que le gouvernement de l’État a qualifié de “grave situation extraordinaire”, on va créer une situation extraordinaire encore plus grave en arrachant à la Catalogne son autonomie politique», écrit-il en conclusion de ce texte dans lequel il assure que la mise sous tutelle de la Catalogne est contraire à la Constitution espagnole. Dans ce document de neuf pages, il informe le Sénat qu’il enverra un représentant de son cabinet pour dérouler ses arguments contre la mise sous tutelle de la Catalogne.