(la fin)
Si le chantier des réformes pour rendre l’économie moins dépendante du pétrole a plus de vingt ans, il patine. Le plan de transformation du royaume « Vision 2030 » de MBS est encore loin de porter ses fruits.
Pour Nabil Mouline, le prince héritier entend donc récupérer une partie des ressources partagées avec les autres clans princiers afin de pouvoir en disposer pour acheter la paix sociale.
La crise saoudienne s’inscrit par ailleurs dans un contexte de recomposition régionale autour de deux blocs, analyse Pierre Razoux*, directeur de recherche à l’Irsem: « Celui de la Russie et de l’Iran et de leurs alliés locaux dans le monde arabe, Syrie et Liban. En face, le bloc Etats-Unis-Israël-Arabie saoudite-Egypte s’efforce de contenir le premier. » Washington estime être encore en capacité de soustraire l’Irak au premier bloc, mais pour la plupart des experts, le pays des deux fleuves est déjà passé dans l’escarcelle irano-russe. Quant à la Turquie, bien que membre de l’Otan, elle se rapproche de plus en plus de la Russie.
La brutalité du coup de balai en Arabie saoudite sous l’égide de MBS est peut-être également « une manière de donner des gages au parrain américain, avance un connaisseur de la région. Lors de son déplacement à Riyad l’été dernier, Donald Trump a probablement eu des mots très durs avec la monarchie, menaçant de la lâcher si elle ne changeait pas d’attitude face à l’islam radical. Ce coup d’éclat est peut-être une façon pour un dirigeant qui a brûlé ses vaisseaux de montrer qu’il a les choses en main ».
Si MBS a assez bien réussi à « vendre » à l’extérieur ses réformes sociales, ses choix géopolitiques se sont révélés contre-productifs, qu’il s’agisse de la désastreuse guerre du Yémen ou de l’opération manquée d’isolation du Qatar. « La crise avec ce pays risque de s’enliser sans toutefois connaître de nouveaux soubresauts au vu de l’escalade et la tension avec l’Iran et la guerre avec le Yémen « , diagnostique Fatiha Dazi Heni.
MBS parviendra-t-il à ses fins ? « Il est trop tôt pour le dire, estime Nabile Mouline. Son autorité s’appuie toujours sur la légitimité que lui octroie son père, le roi Salmane ben Abdel Aziz. » Le jeune prince a remporté plusieurs manches, pas gagné la partie. « Mais, poursuit le chercheur, quelle que soit la figure qui l’emportera dans cette guerre intestine, le régime saoudien sortira plus centralisé et ressemblera de plus en plus aux régimes autoritaires du reste du monde arabe. »