Présidentielle au Chili : vers un probable retour aux affaires d’un milliardaire

L’homme d’affaires, déjà président entre 2010 et 2014, aborde le premier tour de la présidentielle chilienne avec une sérieuse avance dans les sondages sur ses concurrents.

Sebastian Pinera, 67 ans, espère reprendre les rênes du Chili. Un pays qu’il a laissé il y a quatre ans à Michelle Bachelet. Entre 2010 et 2014, le conservateur avait été le premier président de droite élu démocratiquement de ce pays depuis 1958. Mais il n’avait pas pu se représenter, la Constitution lui interdisant d’exercer deux mandats consécutifs.

Le milliardaire fait figure de grand favori de la présidentielle dont le premier tour se joue ce dimanche. Avec près de 45 % des intentions de votes, l’homme d’affaires peut aborder sereinement le scrutin, même si un second tour paraît inévitable. Ironie de l’histoire: s’il vient à remporter cette élection, ce sera la deuxième fois qu’il succède à la présidente socialiste.

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Figure omniprésente du paysage politique chilien, Sebastian Pinera Echenique est un des plus riches entrepreneurs du pays. Sa fortune est estimée par la revue Forbes à 2,5 milliards de dollars (2,14 milliards d’euros). Après une carrière d’économiste marquée par un passage à Harvard, l’homme d’affaires bâtit sa réussite dans les années 1980 en introduisant les cartes bancaires au Chili. Son empire s’étendra par la suite à divers secteurs: immobilier, pharmacie, mines, médias et même le football. L’un des clubs les plus populaires du pays, Colo Colo, lui a un temps appartenu. L’ancien propriétaire de la chaîne privée Chilevision prendra aussi des parts dans la compagnie aérienne LAN ce qui lui vaudra plus tard une condamnation pour délit d’initié.

«Berlusconi chilien»

La politique n’est jamais loin pour cet héritier d’une grande famille démocrate chrétienne, fils d’un ambassadeur et frère d’un ministre dans les dernières années de la dictature. Sénateur entre 1990 et 1998, Sebastian Pinera créera en 2005 la surprise en s’imposant lors des primaires de la droite avant que Michelle Bachelet ne lui barre la route. Le candidat tente une nouvelle fois sa chance quatre ans plus tard. Élu, il revend ses parts dans la compagnie nationale LAN et empoche au passage plus d’un milliard de dollars. Ce mélange entre politique et affaires lui vaut alors le sobriquet de «Berlusconi chilien».

Au terme de son mandat, Sebastian Pinera quittera la Moneda, le palais présidentiel chilien, sur un bilan contrasté. L’économie nationale, tributaire de ses exportations de cuivres, montrait alors des premiers signes d’essoufflement. Entre-temps, Michelle Bachelet n’a pas redressé la barre. Même si le chômage n’a que peu progressé, la croissance de la quatrième économie d’Amérique latine ne dépassera pas 1,3% cette année. Dès lors, les milieux économiques du pays voient d’un bon œil l’élection du candidat conservateur qui a fait de l’austérité fiscale son principal argument de campagne. Il a aussi promis de faire du Chili le premier pays développé en Amérique latine, d’après les critères de l’OCDE. De plus, la cote de popularité de la présidente sortante, écornée par l’implication de son fils dans un scandale de corruption, est au plus bas, avec 30% d’opinions favorables.

«Les Chiliens font face à une décision importante, a récemment déclaré le candidat conservateur. Ils vont devoir choisir entre le changement et la continuité.» Face à lui, pas moins de sept candidats se présentent. Le sénateur et ancien journaliste vedette de la télévision, Alejandro Guillier, semble le mieux armé pour le défier au second tour. Ce dernier endosse pleinement l’héritage de Michelle Bachelet. Seulement, la coalition qui avait porté cette dernière à la Moneda a volé en éclat. Dans cette configuration, Sebastian Pinera n’a pas manqué d’attiser les tensions entre anciens alliés, tendant la main au Parti démocrate-chrétien, louant le travail effectué par l’ancien président Patricio Aylwin lors de la transition démocratique.

Mais le grand vainqueur de ce scrutin devrait être l’abstention dans ce pays où elle est traditionnellement plus élevée que dans le reste de l’Amérique latine. Ce premier tour pourrait être marqué par une participation historiquement faible, autour de 40%.