Les Rohingyas au Myanmar sont pris au piège d’un système de discrimination cautionnée par l’État, institutionnalisée, qui s’apparente à l’apartheid, selon une analyse d’Amnesty International publiée mardi.
Le document replace dans son contexte la violence envers la communauté Rohingyas, visée par les forces de sécurité qui ont réduit en cendres des villages entiers et poussé plus de 600.000 personnes à fuir. « Ces deux années d’enquête révèlent que les autorités restreignent quasiment tous les aspects de la vie des Rohingyas dans l’État d’Arakan et les confinent à une vie de ghetto, où ils doivent lutter pour accéder aux soins de santé et à l’éducation, voire dans certaines régions, pour sortir de leurs villages. La situation actuelle répond à tous les critères de la définition juridique du crime d’apartheid contre l’humanité », écrit Amnesty.
Les Rohingyas, pour la majorité des musulmans, subissent une discrimination systématique depuis des décennies, mais la répression s’est fortement intensifiée depuis 2012, lorsque les violences ont éclaté entre communautés bouddhistes et musulmanes.
Leur droit de circuler librement est fortement restreint. Ils doivent demander un permis pour se rendre d’une localité à une autre. Dans le centre de l’Etat d’Arakan, certains sont enfermés dans leurs villages.
S’ils obtiennent la permission de se rendre dans le nord de l’Etat d’Arakan, les nombreux postes de contrôle sont une menace constante, car ils sont harcelés, contraints de payer des pots-de-vin, agressés physiquement ou arrêtés.
A Sittwe, capitale de l’Etat, après que des dizaines de milliers de Rohingyas ont été chassés en 2012, 4.000 d’entre eux vivent dans un quartier-ghetto encerclé de barricades et de barbelés.
Un autre aspect de cet « apartheid » sont les restrictions aux soins de santé. L’accès aux hôpitaux leur est bien souvent refusé. Beaucoup n’ont d’autre choix que de se rendre au Bangladesh pour se faire soigner, ce qui s’avère souvent trop onéreux.
Depuis 2012, les autorités du Myanmar ont aussi durci l’accès à l’éducation. Dans l’Arakan, les enfants rohingyas n’ont plus le droit d’être scolarisés dans les écoles gouvernementales mixtes et les enseignants refusent de se rendre dans les zones musulmanes.
Une loi de 1982 prive les Rohingyas de leur citoyenneté sur base de leur origine ethnique. En plus de cela, les autorités mènent une campagne visant à empêcher les Rohingyas de s’enregistrer sur les « listes de famille ». Ceux qui ne se trouvent pas chez eux lors du recensement annuel risquent d’être supprimés des registres. En conséquence, il est quasiment impossible pour ceux qui ont fui le pays de rentrer chez eux, déplore Amnesty.
Près de 700.000 Rohingyas ont dû fuir au Bangladesh, où ils vivent dans des camps de réfugiés, selon l’ONG.
« La communauté internationale doit ouvrir les yeux sur ce cauchemar quotidien (…) Si le développement (économique) est un volet important de la solution, il ne doit pas être accompli d’une manière qui renforce les discriminations. La communauté internationale, et en particulier les donateurs, doivent veiller à ce que leur engagement ne les rende pas complices de ces violations. »