Mnangagwa, nouvel homme fort du Zimbabwe

De retour d’Afrique du Sud, où il s’est entretenu avec Jacob Zuma, l’ancien vice-président Emmerson Mnangagwa a été accueilli triomphalement dans son pays, après avoir écarté du pouvoir son ancien mentor, le vieux président Robert Mugabe, 93 ans, contraint de démissionner la veille.

Hier soir devant ses partisans à Harare, relève l’édition Jeune Afrique, « dans un discours en forme de sermon évangélique – à chacune de ses phrases scandées répondait un « oui » clamé par la foule -, l’ancien vice-président Emmerson Mnangagwa a tenu à se poser en représentant du peuple, voire en champion de la démocratie, ce qui peut prêter à sourire au vu de son parcours et de son passé plus que sulfureux. Mnangagwa n’a aussi pas fait mystère de son intention de prendre officiellement le poste de président dès demain vendredi. »

Alors maintenant, au travail ! Car il y en a : c’est le sens de l’éditorial du Herald à Harare. « Les portes vont maintenant s’ouvrir, faisons notre part ! », s’exclame le quotidien zimbabwéen. « Nous devons comprendre que le monde ne va pas nous donner de quoi vivre, que personne ne va commencer à fumer pour aider les cultivateurs de tabac du Zimbabwe. Nous devons donc faire notre part. Nous avons un nouveau président qui a la réputation d’être favorable aux affaires et qui a rencontré bon nombre de ceux qui dirigent des entreprises (…). Nous devons maintenant travailler dur pour produire puis vendre. Les portes seront désormais ouvertes et si nous faisons de notre mieux, alors le business marchera. »

Espoir ?

Ce bel optimisme n’est pas partagé par la presse ouest-africaine. « Emmerson Mnangagwa sera-t-il à même d’incarner les espoirs du peuple zimbabwéen ?, s’interroge Le Pays au Burkina.A priori, l’homme ne part pas avec les faveurs des pronostics. Et pour cause. D’abord, il est issu du même sérail que Robert Mugabe aux côtés de qui il a passé 50 ans et dont il était le bras répressif. (…) Ensuite, cette alternance ressemble plus à une révolution de palais destinée à servir les intérêts des dignitaires du même régime, qui, entrés plus tôt en disgrâce, ont encore la main dans le plat. »

« On a donc l’impression, explique Le Pays, que le changement intervenu n’a consisté qu’à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». (…) Cela dit, tempère le quotidien burkinabè, le nouveau président par intérim pourrait surprendre agréablement et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, les temps ont changé et l’on est à peu près certain que l’homme ne peut plus gouverner avec les méthodes des Etats d’exception. Il sera donc contraint de lâcher du lest. (…) Ensuite, il n’est pas certain que le nouveau chef de l’Etat, âgé de 75 ans et vraisemblablement souffrant, nourrisse des velléités de s’éterniser au pouvoir. Il peut donc être animé de bonnes intentions et vouloir travailler à redorer son blason d’ancien sanguinaire. Quoi qu’il en soit, Emmerson Mnangagwa aura, devant lui, de nombreux défis à relever. »

Aujourd’hui, toujours à Ouaga, s’interroge également : « Le Zimbabwe hérite-t-il d’un autre Dark Vador ou d’un nouveau Jedi ? Chômage endémique, économie comateuse… C’est à l’aune d’un léger mieux dans ces domaines que Mnangagwa sera jugé. C’est donc un retour qui porte en même temps l’espoir d’une ère nouvelle, pour peu que l’ex-sécurocrate en chef le veuille, mais aussi un retour lourd d’anxiété au regard du passé du nouvel homme fort. »

Enfin, Fraternité Matin se pose la même question : « Sera-t-il l’homme qui fera entrer le pays dans la démocratie ? Le contexte de son arrivée au pouvoir ne lui laisse pas trop le choix. Cependant, son passé ne plaide pas en faveur d’un régime ouvert. » Toutefois, pointe le quotidien ivoirien, « Mnangagwa a promis de jouer à fond la carte de la démocratie. C’est un soldat, il peut réussir ce combat. »