Dans ce pays, en proie à un blocus total depuis le 4 novembre, près de dix millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, alertent les ONG. Alors que l’eau potable et la nourriture manquent, des épidémies de choléra et de diphtérie se répandent.
Les ONG continuent d’alerter sur la situation au Yémen. En proie à une guerre civile depuis 2014 qui a fait plus de 10.000 morts – sur fond de rivalité irano-saoudienne -, ce pays désertique ancré dans le golfe d’Aden fait face à une grave crise humanitaire et sanitaire, qui s’est accentuée depuis l’instauration d’un blocus total par la coalition emmenée par l’Arabie saoudite depuis le 4 novembre. «La situation empire chaque jour, témoigne au Figaro Liny Suharlim, directrice de l’ONG Acted pour le Yémen. Les pénuries de carburants ont des implications profondes sur les secteurs de l’eau, de l’assainissement, de la santé et de la sécurité alimentaire en raison de la hausse des coûts de transport. Les gens sont donc dans l’obligation de moins manger, de moins boire et de ne pas se soigner».
La coalition sous commandement saoudien est intervenue au Yémen pour stopper la progression des rebelles yéménites Houthis face aux forces gouvernementales. Elle avait imposé un blocus total au Yémen après le tir d’un missile balistique par les rebelles – qui contrôlent en partie Hodeida et Sanaa – en direction de l’Arabie saoudite. L’engin avait été intercepté au-dessus de l’aéroport international de Riyad. Le 9 novembre, le Conseil de sécurité de l’ONU avait exprimé son inquiétude devant la «situation humanitaire catastrophique» et avait souligné l’«importance de garder tous les ports et aéroports du Yémen en état de fonctionnement».
Épidémies de choléra et de diphtérie
Sous la pression internationale, l’Arabie saoudite a finalement décidé, mercredi, d’alléger le blocus afin de permettre l’acheminement de produits humanitaires. La réouverture prévue ce jeudi du port de Hodeida et de l’aéroport de Sanaa pour l’aide humanitaire a été saluée, mais ils ont des capacités limitées pour accueillir des vivres et du matériel. La coalition a souligné, dans son communiqué, sa volonté d’«alléger les souffrances du peuple yéménite». De son côté, le porte-parole Farhan Haq au siège de l’ONU à New York s’est montré sceptique, indiquant «suivre ces développements sur le terrain pour voir si cela se fera».
Les organisations humanitaires et les agences de l’ONU ont dénoncé, depuis plusieurs semaines, une mesure de punition collective qui aggrave la crise humanitaire dans ce pays de 27 millions d’habitants, dont sept millions sont au bord de la famine et près d’un million affectés par une épidémie de choléra. «Si le blocus se poursuit, l’accès limité à l’eau potable conduira à la propagation du choléra: d’ici à dix jours, l’eau pourrait venir à manquer avec pour conséquences une augmentation dramatique du nombre de maladies liées à l’eau et des cas de choléra», juge la directrice d’Acted pour le Yémen. Des cas mortels de diphtérie ont également été signalés en raison de la faible couverture par vaccination des enfants de moins de cinq ans. Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), deux millions et demi d’habitants sont privés d’accès à l’eau potable.
Les premières victimes: les enfants
Le Yémen dépend à 90% des importations maritimes pour son approvisionnement alimentaire. «La plupart des 22 gouvernorats du Yémen sont menacés par la famine dans les prochains jours, il n’y a presque aucune exception», explique Liny Suharlim de l’ONG Acted. Selon cette dernière, 21 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire. Près de dix millions nécessitent une aide d’urgence. Des chiffres alarmants qui font dire à la directrice d’Acted pour le Yémen qu’il s’agit de «la pire crise humanitaire de la planète». Concrètement, plusieurs milliers de Yéménites pourraient mourir de faim chaque jour dans les trois, quatre prochains mois si les ports restent fermés, selon le Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine (FEWS NET).
Quinze millions de Yéménites étaient déjà en situation de crise alimentaire avant le blocus, a souligné mardi le FEWS NET dans un communiqué. Les premières victimes de cette guerre sont «les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées», poursuit Liny Suharlim. Selon Acted, 27.000 enfants supplémentaires souffrent de malnutrition chaque mois. «La vie de 150.000 enfants est directement menacée si les organisations humanitaires ne sont pas en mesure de réapprovisionner les stocks», indique-t-elle. Afin de ne pas laisser un peuple mourir de faim, elle préconise donc de trouver «une solution politique rapidement» pour mettre fin à cette guerre, et appelle les parties à reprendre les pourparlers de paix «tout en permettant un accès humanitaire sans entrave sur le terrain».