Égypte : deuil national après le carnage dans une mosquée du Sinaï

C’est un carnage, comme l’Égypte n’en avait pas vécu depuis très longtemps. Vendredi, en pleine prière hebdomadaire, la terreur a frappé le petit village de Bir al-Abed, à 40 km d’al-Arish, dans la province du Nord-Sinaï.

Alors que de nombreux fidèles se recueillaient dans ce petit lieu de culte majoritairement fréquenté par la communauté soufie – une branche hétérodoxe de l’islam – plusieurs hommes armés ont encerclé la mosquée avec des 4 × 4 avant d’y poser une bombe puis de tirer sur les survivants qui tentaient de s’échapper.

Le bilan est terrible: vendredi soir, il atteignait 235 morts et plus de 109 blessés. C’est l’attentat le plus meurtier en Egypte depuis l’attentat à la bombe contre un Airbus A321 russe en 2015. Revendiquée par l’Etat islamique, l’attaque avait coûté la vie aux 224 occupants de l’appareil, peu après son décollage de Charm el-Cheikh, une station balnéaire du Sinaï.

Vendredi, les images des corps meurtris des victimes, dissimulés sous des couvertures, étaient diffusées en boucle sur les télévisions égyptiennes dès le début d’après-midi. Le drame a provoqué l’émoi dans le pays: alors que les hôpitaux de la région étaient en alerte maximale pour prendre en charge les blessés, de nombreux Égyptiens se sont pressés dans les centres hospitaliers pour donner leur sang.

Ce n’est pas la première fois qu’un lieu de culte musulman est pris pour cible dans le pays. En 2013 déjà, une explosion avait frappé le sanctuaire d’un cheikh dans le village d’al-Mazar près de Bir al-Abed, où l’attaque de vendredi a eu lieu. L’année dernière, plusieurs religieux avaient également été exécutés par l’EI dans la région, provoquant un exode massif de la communauté soufie de l’autre côté du canal de Suez.

L’ampleur de cet attentat est néanmoins sans précédent. Si celui-ci n’a pas été revendiqué, les soupçons se portent sur Wilayat Sinai, la branche égyptienne de l’organisation de l’État islamique, très active dans le Nord-Sinaï et de plus en plus puissante sur tout le territoire égyptien. «À ce stade, la revendication est devenue une formalité», explique Oded Berkovitz, directeur régional du renseignement et analyste pour MAX Security. «Jusqu’à présent, Wilayat Sinai évitait d’infliger des pertes massives aux civils musulmans en Égypte et se singularisait à ce titre d’autres groupes, mais il a néanmoins pour cible privilégiée la communauté soufie qu’elle considère comme apostate et idolâtre, ainsi que les civils suspectés de coopérer avec le régime égyptien et l’armée. Il y a donc peu de doutes sur l’origine de cette attaque», note-t-il.