Afghanistan : les interprètes de l’armée française abandonnés aux menaces des talibans

Avec la dégradation de la situation et la progression des insurgés en Afghanistan, les interprètes ayant travaillé pour l’armée française subissent pressions intenables et menaces répétées: « Nous sommes en danger », jurent-ils.

 

Un Afghan de 28 ans ayant travaillé pour l’armée française

 

Mercredi dernier, Zainullah a été blessé dans une attaque à la moto-suicide devant chez lui, à 36 km au nord de Kaboul, alors qu’il discutait avec une patrouille de l’Otan.

Un des soldats, un Georgien, a été tué sur le coup, plusieurs autres blessés : pour le jeune homme de 28 ans, le tueur voulait faire d’une pierre deux coups en le visant avec les Occidentaux.

En juin, Zainullah avait été blessé dans son jardin par deux tireurs à moto. Il avait reçu des appels menaçants juste avant. D’autres ont suivi depuis. « Le type parlait avec un accent de Kandahar (sud). Il m’a dit +Je t’aurai, chez toi, au bazar… c’est l’ordre de mon commandant+ ».

« Il n’y avait aucun taliban par ici avant. Aujourd’hui, ils sont dans le village voisin de Qallah Nossra », à cinq minutes de trajet. Le climat s’est fortement dégradé en Afghanistan, dont les talibans contrôlent plus de 40% du territoire.

Zainullah s’est adressé à la police. Il montre le reçu de sa plainte, rangé dans une pochette en plastique avec ses contrats de 2009 à 2013, attestations et feuilles de paye de l’Isaf, la force internationale. Il a même ses badges d’accès aux bases françaises de Kaboul et Surobi.

« Nous ne pouvons pas te protéger. Nous n’avons pas assez d’hommes et tu n’es pas un VIP », lui a répondu le policier, navré.

« On n’est pas assez important » remarque Bachir, autre laissé pour compte des troupes françaises parties, pour les dernières, en 2014.

Il sont 152 ex-interprètes ou auxiliaires afghans dont la demande de relocalisation a été rejetée par la France, selon leur avocate jointe à Paris, Caroline Decroix. Cent autres ont vu la leur acceptée. Ils vivent désormais dans l’Hexagone avec leurs familles, soit 371 personnes au total.

Parmi les recalés, « beaucoup sont partis clandestinement » vers la Turquie, l’Europe ou les pays voisins, affirme « Bachir », qui dit avoir changé de nom. Lui a servi l’armée française de 2009 à 2013, à Kaboul et en Kapisa, une province instable au nord de la capitale, anciennement sous protection française. « Les menaces sont très réelles », insiste-t-il.