Le président français Emmanuel Macron se rend, mercredi, en Algérie pour une « visite d’amitié et de travail » de douze heures. Un voyage à « dimension mémorielle très forte », même si l’Élysée ne veut pas qu’elle occulte les enjeux présents et futurs.
Emmanuel Macron en Algérie. À la lecture de cet énoncé, impossible de ne pas se remémorer la dernière visite du chef de l’État à Alger en février. Alors simple candidat à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait parlé de « crimes contre l’humanité » en évoquant la colonisation française, provoquant dans l’Hexagone de vives critiques au sein de la droite et de l’extrême droite.
Désormais président de la République, a-t-il l’intention de rouvrir la plaie ? À en croire son entourage, la réponse est non. « Emmanuel Macron a prononcé des mots très forts en février, mais maintenant il faut tourner la page et construire de nouvelles relations », notamment avec la jeunesse algérienne, explique-t-on à l’Élysée.
Comme lors de son voyage en Afrique de l’Ouest la semaine dernière, il s’agira donc pour le président français de se tourner vers l’avenir en insistant beaucoup sur son âge – 40 ans le 21 décembre – et sur le fait qu’il n’appartient pas à une génération qui a connu la colonisation et la guerre d’Algérie. « Ni déni ni repentance. On ne peut pas rester piégé dans le passé », a-t-il proclamé au Burkina Faso. La tonalité de son message en Algérie devrait être similaire.
La mémoire
Le chef de l’État n’est toutefois pas le premier à afficher cette ambition. « Il y a eu beaucoup de discours, beaucoup de présidents de la République – Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et aujourd’hui Emmanuel Macron – qui se rendent officiellement à Alger pour essayer de faire en sorte qu’on ne reste pas prisonnier de la tyrannie de la mémoire, mais de regarder un peu plus vers le futur, a rappelé l’historien spécialiste de l’Algérie, Benjamin Stora, mardi matin, sur France Inter. Sauf que la France est restée 130 ans en Algérie et donc, pour tourner la page, c’est difficile car elle est lourde. Il faut la lire et cela prend du temps. »
Cette visite aura malgré tout « une dimension mémorielle très forte », souligne l’Élysée, avec au programme, notamment, le dépôt d’une gerbe au Mémorial du martyr. Et à l’image de son annonce devant les étudiants de l’Université de Ouagadougou sur la déclassification de toutes les archives françaises concernant la mort de Thomas Sankara, Emmanuel Macron pourrait faire un geste en annonçant le retour en Algérie des crânes de résistants algériens tués dans les années 1850 et actuellement conservés au Musée de l’Homme à Paris. Si rien n’a filtré jusqu’ici, c’est en tout cas une demande forte des Algériens, dont l’Élysée a connaissance. Une autre demande concerne un canon qui défendait le port d’Alger et qui trône aujourd’hui à l’arsenal de Brest.
L’économie
Outre la séquence « mémorielle », Emmanuel Macron s’entretiendra avec le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, 80 ans, dans sa résidence médicalisée de Zéralda, dans la banlieue ouest d’Alger. Il ira également à la rencontre de la population lors d’une « déambulation » dans le centre d’Alger, qui se fait belle pour l’occasion, où il visitera notamment la librairie du Tiers-monde.
Pour Paris, l’une des priorités est de redynamiser les échanges économiques, alors que la France a laissé sa place de premier fournisseur de l’Algérie à la Chine, très offensive en Afrique, et que des entreprises espagnoles, italiennes ou turques prennent des parts de marché.
« L’Algérie représente un potentiel économique considérable dans tous les domaines », estime l’Élysée, tout en reconnaissant des « difficultés liées notamment au climat des affaires ». Les secteurs de l’automobile, avec l’ouverture d’une usine PSA à Oran, de la pharmacie et de l’agroalimentaire sont jugés prioritaires.
La sécurité
La France reste cependant le premier investisseur hors hydrocarbures et le premier employeur étranger en Algérie, avec 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects pour environ 500 entreprises, selon les chiffres du Quai d’Orsay. Mais le contexte budgétaire est actuellement délicat, le pays subissant de plein fouet depuis 2014 la chute des prix du brut, qui lui assure 95 % de ses recettes extérieures.
La sécurité régionale et internationale figurera également au menu des discussions, avec notamment les crises en Libye et au Sahel, ainsi que la lutte contre le terrorisme. La France souhaite un investissement plus important de l’Algérie dans ce domaine. « C’est un sujet qui doit faire l’objet de discussions approfondies à tous les niveaux et qui sera évoqué lors de cette visite », reconnaît l’Élysée.
Enfin, le développement des relations bilatérales se poursuivra le lendemain. Alors qu’Emmanuel Macron sera au Qatar le 7 décembre, le Premier ministre français, Édouard Philippe, recevra, lui, à Paris son homologue algérien, Ahmed Ouyahia, dans le cadre du comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) entre la France et l’Algérie.