La poursuite de l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations syriennes vivant dans les zones rebelles, à travers les frontières et les lignes de front, est remis en question par la Russie et pourrait s’arrêter le 10 janvier.
Certains diplomates craignent une répétition du précédent relatif aux enquêtes sur le recours aux armes chimiques et qui s’est soldé par la disparition du groupe d’experts ONU-OIAC appelé JIM. « Non, ce ne sera pas comme pour le JIM », veut croire un ambassadeur du Conseil de sécurité.
Sur ce sujet, Moscou a toujours clamé sa volonté de voir ce groupe perdurer mais à condition de changer en profondeur sa mission. Officiellement, la Russie ne veut pas interrompre l’aide humanitaire aux zones syriennes toujours hors du contrôle de Damas, qui passe par des frontières ou des lignes de front sans l’aval des autorités syriennes.
Mais elle s’oppose à un renouvellement technique de la résolution qui l’autorise et arrive à expiration le 10 janvier. Moscou réclame un contrôle renforcé sur les cargaisons, leur acheminement, leur destination. Le mécanisme onusien existe depuis 2014.
Lors d’une récente réunion à huis clos, le responsable de l’ONU chargé des Affaires humanitaires Mark Lowcock a souligné que « le contrôle exercé pour l’aide humanitaire en Syrie n’avait pas d’équivalent ailleurs », rapporte un diplomate sous couvert d’anonymat.
Environ 2,8 millions de personnes, sur 10 millions concernées par une assistance dans toute la Syrie, bénéficient de l’aide apportée par l’ONU et les ONG aux populations vivant en zones rebelles, a-t-il précisé. C’est l’une des « plus grosses opérations humanitaires » actuellement de l’ONU, relève ce diplomate.
Les critiques de la Russie sur la résolution de l’ONU surviennent alors que Vladimir Poutine considère avoir gagné la guerre en Syrie contre le groupe Etat islamique. Les militaires russes ont « brillamment accompli » leur mission dans ce pays après deux ans d’intervention en soutien au régime de Bachar al-Assad, a-t-il dit.
– Souveraineté et humanitaire –
A l’ONU, Moscou a fait valoir à ses partenaires que « la résolution portait atteinte à la souveraineté de la Syrie ». Il y a des cargaisons qui ne sont pas humanitaires ou qui sont revendues au marché noir, affirme aussi la Russie.
Sa remise en cause de la résolution de l’ONU serait partagée par d’autres pays du Conseil de sécurité comme la Chine, le Kazakstan ou la Bolivie.
L’évolution sur le terrain « n’a pas fait diminuer les besoins humanitaires », rétorque un diplomate sous couvert d’anonymat, déplorant que la Russie « fasse des amalgames » et jette « la suspicion » sur l’acheminement de l’aide. « Les Russes nous disent que la situation a changé mais dans la réalité la situation humanitaire n’a pas changé », insiste-t-il.
Selon lui, un non-renouvellement de la résolution par l’ONU pourrait conduire « à affamer des populations sunnites ».
Les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni ainsi que d’autres pays au Conseil de sécurité voulaient à l’origine un simple renouvellement technique du texte. Ils ont fait valoir à la Russie qu’ils étaient prêts « à accepter des petits changements » mais qu’il ne fallait « pas politiser ce sujet » alors que les discussions avec le régime et l’opposition patinent à Genève.
Parmi les gestes que pourraient faire les Occidentaux, le renouvellement de la résolution pourrait n’être que pour « six mois » et non un an comme le prévoit le projet de résolution rédigé par l’Egypte, le Japon et la Suède, indique un diplomate. Pour une autre source diplomatique, il n’en est pas question: « C’est un an et pas six mois comme certains le demandent ».
Le projet de résolution, obtenu par l’AFP, demande au secrétaire général des Nations unies de fournir d’ici six mois « une étude sur les opérations humanitaires transfrontalières de l’ONU, incluant des recommandations sur la manière de renforcer le mécanisme de contrôle onusien ».
Les Occidentaux, qui gardent en mémoire les veto russes pour le JIM mi-novembre dans les derniers jours d’existence de ce groupe, ont réclamé qu’un vote intervienne « en décembre et non en janvier ». La date du 19 décembre est évoquée par la présidence japonaise du Conseil.