L’annonce du Conseil européen la semaine dernière est passée presque inaperçue tant elle est devenue régulière. Les sanctions économiques de l’Union européenne envers la Russie seront reconduites dans les jours qui viennent.
Mais depuis 2014, le conflit ukrainien et la mise en place des sanctions, le monde des affaires s’est finalement adapté à la situation. De quoi pousser les diplomates européens à remettre le processus en question. « En réalité les sanctions touchent peu de secteurs de l’économie européenne. Seule une petite fraction de nos exportations vers la Russie est concernée. Ce qui a fait le plus de mal aux échanges commerciaux entre l’Europe et la Russie, c’est la crise économique russe conjuguée à une dévaluation du rouble et la baisse des prix des hydrocarbures », explique Gérard Seghers, conseiller économique et commercial pour les régions de Bruxelles-Capitale et wallonne à l’ambassade de Belgique à Moscou.
Il y a quelques jours, c’est le Premier ministre belge Charles Michel qui s’est positionné sur le sujet : « Les sanctions ne sont pas un but en soi. Elles sont un moyen pour forcer un dialogue. Je suis partisan d’une autre stratégie avec la Russie. Au niveau européen, il faut peut-être choisir une autre approche, avec un dialogue sur d’autres thèmes. Par exemple à propos de nos intérêts économiques, ou l’énergie qui est un défi stratégique crucial », a-t-il affirmé lors des journées diplomatiques de Bruxelles.
Préparer l’après sanctions
Mardi, le ministre de l’Economie français, Bruno Le Maire, est venu « préparer l’après sanctions » à Moscou en incitant les PME françaises à investir en Russie. « Le cadre contraint des sanctions n’empêche pas de développer et de renforcer la coopération économique avec la Russie. Au contraire, nous commençons dès maintenant à préparer notre coopération du futur », a-t-il déclaré, pavant le terrain au président Macron attendu au forum économique de Saint-Pétersbourg, en mai 2018. « Les entrepreneurs belges comprennent aussi qu’implanter partiellement sa PME en Russie peut représenter une façon plus simple d’intégrer le marché russe », explique Gérard Seghers.
Fin janvier, le Premier ministre Charles Michel effectuera sa première visite à Moscou. Dans le petit monde des affaires belge de Russie, on attend beaucoup de ce rendez-vous. « Les sanctions ont évidemment réduit les importations européennes. Il y a aujourd’hui beaucoup de demandes pour le marché de la substitution à l’importation. Avec cette crise, les Russes ont par exemple décidé de développer leur agriculture délaissée depuis les années 1990. Aujourd’hui nous avons des entrepreneurs français et belges qui ont décidé d’aller produire du fromage sur place. C’est ce genre d’initiatives qu’il faut développer », affirme Oleg Prozorov, directeur-général de la chambre de commerce Belgique-Luxembourg de Russie.
Sanctions américaines
En août dernier, le congrès américain a voté l’introduction de nouvelles sanctions extraterritoriales à l’encontre de la Russie, principalement à destination du secteur énergétique. A l’heure où l’Union européenne remet en cause les siennes, cette décision inquiète les chancelleries européennes. « Si elles entrent en application, nous en serons à un stade où nous devrons demander l’autorisation aux USA avant de commercer avec la Russie. Comme s’ils se posaient en gendarme commercial de la planète. C’est un défi lancé à l’Europe, nous devrons répondre, ou nous soumettre », explique une source au sein du ministère de l’Economie française. Oleg Prozorov confirme la préoccupation des entreprises belges. « Les gens s’étaient habitués aux difficultés, l’attente de nouvelles sanctions représente une inquiétude, cela n’envoie pas de bons signaux pour l’avenir. »