Les indépendantistes catalans ont retrouvé jeudi, au terme d’une campagne tendue et grâce à une mobilisation historique, la majorité absolue dont ils disposaient avant la déclaration unilatérale d’indépendance qui avait provoqué leur destitution.
Après dépouillement de plus de 92 % des bulletins, les trois formations indépendantistes disposeraient, avec 70 sièges au parlement régional, de la majorité absolue (qui est à 68).
Par le jeu des pondérations de voix profitant aux régions rurales, les indépendantistes ont la majorité au parlement, mais ils n’ont pas une majorité en voix: 47,5 % des Catalans ont voté pour ces formations, mais 52,42% contre. C’est un score semblable à celui de 2015.
Les électeurs catalans, qui ont battu avec près de 82 % de votants le record historique de participation dans la région, ont toutefois désigné comme première force politique de la province le parti libéral anti-indépendance Ciudadanos, qui obtient 36 sièges.
Le scrutin s’est déroulé sans incident malgré des semaines de tension.
L’ex président de l’exécutif catalan destitué par Madrid, Carles Puigdemont, suivait le décompte depuis Bruxelles, où il s’est réfugié avec quatre de ses anciens ministres et tente en vain d’obtenir le soutien de l’Union européenne.
Celle-ci soutient fermement le gouvernement de Madrid, craignant ouvertement une contagion du séparatisme dans les Etats membres.
M. Puigdemont a formé sa propre liste Ensemble pour la Catalogne, et dispute les voix indépendantistes au parti ERC de son ancien vice-président Oriol Junqueras, en détention provisoire en Espagne.
Tous deux sont inculpés pour rébellion, sédition et malversation, comme l’ensemble du gouvernement déposé.
« Les conditions étaient absolument inégales pour ERC avec un candidat en prison jusqu’au dernier jour », a déclaré à Barcelone Sergi Sebria, porte-parole du parti de M. Junqueras.
Mais, a-t-il ajouté, « le pays est hautement politisé et c’est pour nous une excellente nouvelle. Une forte participation légitime le résultat de ces élections ».
Les élections ont été convoqués le 27 octobre par le chef du gouvernement Mariano Rajoy quand il placé la Catalogne sous tutelle, dissous le parlement catalan qui venait de proclamer l’indépendance, et déposé l’exécutif régional.
M. Rajoy tentait ainsi de tuer dans l’oeuf une tentative de sécession annoncée depuis deux ans.
Depuis leur victoire aux élections de 2015, les indépendandistes, appuyés par des manifestations massives avaient poursuivi leur projet en ignorant toutes les décisions de justice.
La crise avait éclaté le 1er octobre quand la police avait réprimé brutalement un referendum d’autodétermination interdit par la cour constitutionnelle. Les images de violence policière avaient fait le tour du monde.
Alors que les premières arrestations pour « rébellion » se produisaient dans le camp indépendantiste, les manifestations succédaient aux grèves, aux blocages de trains ou de routes, jusqu’au saut dans le vide du 27 octobre, quand le parlement catalan a voté, par 70 voix sur 135, la déclaration unilatérale d’indépendance.
Depuis des semaines, les sondages prédisaient un résultat très serré entre indépendantistes et partisans de l’Espagne.
Pour les séparatistes, la mise sous tutelle de leur région pour la première fois depuis la dictature, et les violences policières ne faisaient que renforcer leurs conviction: l’Etat espagnol n’avait d’autre dessein que « d’humilier », le peuple catalan.
Mais après le référendum et la déclaration unilatérale d’indépendance, une chose avait changé: poussés à s’impliquer face au risque réel de rupture unilatérale, les Catalans « unionistes » ont finalement pris la parole, inondant aussi les rues de leurs drapeaux rouge-jaune-rouge.
Pendant des années, seuls les indépendantistes avaient occupé le devant de la scène, organisant des manifestations géantes.
Le coup de frein brutal aux investissements et au tourisme en Catalogne, ainsi que le déménagement de siège social de quelque 3.100 entreprises hors de la région, avait aussi mobilisé les partisans de l’unité.