Les Etats-Unis ont imposé jeudi des sanctions contre le chef militaire birman Maung Maung Soe pour son rôle dans la répression de la minorité musulmane des Rohingyas, dans le cadre d’une loi visant les responsables de graves infractions aux droits de l’homme dans le monde entier.
La liste publiée par le Trésor américain comprend des responsables politiques, judiciaires, policiers ou des hommes d’affaires et des sociétés qui leur sont liées.
Ces sanctions, les premières prises au nom du « Global Magnitski Act » de fin 2016, gèlent leurs éventuels avoirs aux Etats-Unis et interdisent à tout ressortissant américain de faire des affaires avec ces individus – ou les entités liées – qui sont également interdits d’accès sur le territoire.
Ces sanctions, qui visent « des individus qui bafouent les droits de l’homme, des cleptocrates et des acteurs corrompus (…) envoient un message puissant à ceux qui profitent des souffrances et de la corruption qu’ils paieront au prix fort leurs violations des droits de l’homme », a expliqué un haut responsable de l’administration américaine lors d’un point-presse.
Le volet économique « empêche pas mal de gens d’avoir accès au système financier international, vu la domination du système financier américain », a ajouté un autre responsable gouvernemental.
En tant qu’ancien chef du commandement ouest de l’armée birmane, Maung Maung Soe a « supervisé les opérations militaires (…) responsables de violations généralisées des droits de l’homme contre les civils rohingyas », selon le communiqué du Trésor.
Le gouvernement américain « a étudié des preuves crédibles sur les activités de Maung Maung Soe, dont des allégations visant les forces de sécurité birmanes d’exécutions extrajudiciaires, violences sexuelles et arrestations arbitraires ainsi que des incendies généralisés de villages », ajoute le texte.
Les autorités birmanes ont toujours démenti avoir commis des atrocités dans le nord de l’Etat Rakhine, où vivent les Rohingyas, affirmant que l’armée n’avait fait que répondre à des attaques de rebelles musulmans contre des postes de police le 25 août, qui ont fait une douzaine de morts parmi les policiers.
Selon Médecins sans frontières (MSF), au moins 6.700 Rohingyas ont été tués entre fin août et fin septembre au cours de la répression et plus de 655.000 membres de cette minorité musulmane se sont réfugiés dans le sud-est du Bangladesh.
– ‘Nettoyage ethnique’ –
En novembre, le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson avait dénoncé « un nettoyage ethnique » contre les Rohingyas.
La liste noire américaine comprend aussi l’ex-président gambien Yahya Jammeh. Cet ancien militaire qui a dirigé d’une main de fer la Gambie de 1994 à janvier 2017 vit aujourd’hui en exil en Guinée équatoriale. Il a « une longue histoire de violations sérieuses des droits de l’homme et de corruption » et « tout au long de sa présidence, M. Jammeh a ordonné des mauvais traitements et les meurtres de ceux qu’il suspectaient de saper son autorité », selon le communiqué.
Yankuba Badjie, ancien chef de la défunte Agence nationale du renseignement (NIA), l’instrument de répression du régime de M. Jammeh est pour sa part accusé d’avoir supervisé la détention et le meurtre de Solo Sandeng, un opposant décédé en avril 2016. Le Chinois Gao Yan, un responsable sécuritaire, est visé pour sa responsabilité dans la détention et la mort de la dissidente Cao Shunli, en mars 2014 à Pékin.
Côté corruption, la liste intègre Gulnara Karimova, la fille de l’ancien président ouzbek Islam Karimov, Artem Chaïka, le fils du procureur général de Russie Youri Chaïka, Dan Gertler, un homme d’affaires israélien proche du président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila, le marchand d’armes serbe Slobodan Tesic et l’homme d’affaires dominicain Angel Rondon Rijo, impliqué dans le scandale de corruption autour du géant brésilien du BTP Odebrecht qui éclabousse l’Amérique latine.
Cette liste « marque la mise en application d’une loi qui devrait faire peur aux responsables corrompus dans le monde entier », s’est félicité dans un communiqué Ian Schwab, de l’ONG de défense des droits de l’homme Enough Project.
« Il y a dans le monde beaucoup plus d’individus qui bafouent les droits que ceux inscrits sur cette liste », a toutefois regretté Andrea Prasow, de Human Rights Watch