Des drapeaux israéliens ont été brûlés ces derniers jours en signe de protestation contre la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par le président américain Donald Trump.
Derrière ces gestes figurent des immigrés de fraîche date.
Un chandelier géant de 10 mètres de haut a été installé mardi devant la Porte de Brandebourg pour marquer le début de la fête juive de Hanoucca. Au même endroit, vendredi, un bon millier de manifestants ont protesté devant l’ambassade des Etats-Unis contre la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël. Deux drapeaux israéliens ont alors été brûlés aux cris de «mort à Israël» ou «Israël, assassin d’enfants». La police a procédé à une dizaine d’interpellations.
Dimanche, un nouveau défilé a rassemblé cette fois 2500 personnes dans le quartier multiculturel de Neukölln. De nouveau, les manifestants ont mis le feu à un drapeau israélien et scandé des paroles antisémites. De nouveau, la police a procédé à des interpellations, la plupart pour trouble à l’ordre public. Le fait de brûler des drapeaux israéliens n’est pas interdit par la loi allemande, sauf s’ils sont arrachés à l’ambassade ou à un consulat du pays. «Crier «Israël assassin d’enfants» relève de la liberté d’expression», ajoute le porte-parole de la police.
L’Allemagne choquée
Ces manifestations anti-Israël sont le fait d’un mélange improbable, rassemblant des éléments allemands du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), des sympathisants du Hamas et de la milice libanaise Hezbollah, des fascistes turcs, des soutiens du parti AKP du président turc Erdogan et du Fatah palestinien. Les images de jeunes fanatiques turcs ou arabes encagoulés, drapés du foulard palestinien et brandissant des drapeaux turcs ou palestiniens, ont choqué en Allemagne. «Nous nous opposons à toute forme de xénophobie et d’antisémitisme. Aucune différence d’opinion, y compris sur le statut de Jérusalem, ne peut justifier de telles actions, a déclaré Angela Merkel, visiblement choquée. L’Etat doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour lutter contre ça.»
Une avalanche de réactions politiques a suivi dans le pays, dont celle de Jens Spahn. «Nous assistons depuis bien trop longtemps avec indifférence au développement d’un antisémitisme importé, et ce au nom d’une fausse tolérance», insiste ce rival d’Angela Merkel au sein de la CDU, particulièrement critique envers la politique d’accueil des réfugiés de la chancelière. «Tout acte d’antisémitisme est une attaque contre tous. L’antisémitisme ne devra jamais être autorisé à nouveau dans notre société», estime de son côté le ministre social-démocrate de la Justice, Heiko Maas.
«Antisémitisme inculqué dès le berceau»
L’Allemagne, qui a condamné le cavalier seul de Washington sur Jérusalem, se découvre un antisémitisme musulman d’autant plus inquiétant que le pays a accueilli à partir de l’automne 2015 plus d’un million de réfugiés pour la plupart syriens, irakiens et afghans. L’un des jeunes ayant mis le feu au drapeau israélien ce week-end serait un jeune Syrien de 18 ans. «Les réfugiés viennent souvent de pays où on leur a inculqué l’antisémitisme dès le berceau, estime le spécialiste de l’islam d’origine israélienne Ahmad Mansour, exigeant une meilleure intégration des nouveaux venus. Les cours d’intégration doivent mettre l’accent sur le fait que cela n’est pas possible en Allemagne. Seuls ceux qui sont prêts à intérioriser la responsabilité particulière de l’Allemagne envers le peuple juif et de renoncer à leur antisémitisme pourront s’intégrer.»
La communauté juive réclame pour sa part un durcissement de l’arsenal juridique. «L’antisémitisme s’exprime aujourd’hui souvent par le biais de la haine d’Israël, souvent en comparant Israël au nazisme, estime Samuel Salzborn, spécialiste de l’antisémitisme de l’université Technique de Berlin. Il ne suffit plus de sanctionner la négation de l’Holocauste. Il faut doter la police et la justice de moyens leur permettant de lutter contre l’antisémitisme anti-israélien.»
Délits d’antisémitisme en légère augmentation
Ce n’est pas la première fois que l’Allemagne est confrontée à un antisémitisme musulman lié au conflit israélo-palestinien. En juillet 2014 des manifestations analogues avaient eu lieu pour protester contre l’opération «Bordure Protectrice» lancée par Israël sur Gaza. A cette occasion, des slogans antisémites avaient été scandés («Hamas, Hamas! Les juifs au gaz!»), suscitant l’indignation de la communauté juive et de la classe politique.
En Allemagne, le nombre d’infractions à caractère antisémite a légèrement augmenté au cours des dernières années. En septembre, le gouvernement faisait état de 681 délits d’antisémitisme au premier semestre, soit une hausse de 6% sur un an. Dans 93% des cas, il s’agissait d’un antisémitisme d’extrême droite. Selon la police, 23 délits à caractère antisémite étaient liés, directement ou indirectement, aux conflits du Moyen-Orient.