Mariano Rajoy battu, mais mieux armé

Critiqué pour avoir perdu les élections en Catalogne, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy aborde, en fait, l’année nouvelle mieux armé pour barrer la route aux sécessionnistes, estiment les analystes. La rébellion contre la constitution a été étouffée, expliquent-ils.

«Fiasco», «déroute», ses détracteurs ont éreinté le dirigeant conservateur quand le 21 décembre, les partis indépendantistes ont conservé leur majorité au parlement catalan, ramenée de 72 sièges à 70 sur 135. Ils n’ont toujours pas la majorité des voix, mais les défenseurs de l’unité de l’Espagne non plus, contrairement aux espoirs de la majorité de la classe politique.

Le parti populaire (PP) de M. Rajoy a vu sa représentation – déjà marginale dans la région – réduite de onze à quatre sièges, selon le dernier décompte encore officieux qui inclut le vote de l’étranger. Son rival libéral Ciudadanos en a lui remporté 36, surtout à ses dépens. Les socialistes ont stagné à 17 sièges.

Rébellion étouffée

La conclusion semblait s’imposer: M. Rajoy avait perdu son pari en convoquant des élections anticipées après avoir placé la Catalogne sous tutelle en utilisant pour la première fois l’article 155 de la constitution.

En fait, «l’article 155 a joué son rôle qui n’était pas de gagner les élections ni d’améliorer le score du PP ni de faire disparaître l’indépendantisme, mais d’étouffer une rébellion contre la constitution», affirme Ignacio Varela, consultant politique et éditorialiste.

Les trois partis séparatistes avaient voté des lois de «déconnexion» avec l’Espagne les 6 et 7 septembre, organisé le 1er octobre un référendum d’autodétermination interdit, et enfin proclamé unilatéralement l’indépendance d’une république catalane le 27 octobre. Ils ont eux-mêmes reconnu avoir sous-estimé la capacité de réaction de l’Etat et ne prétendent plus agir de façon unilatérale.

«Appliquer l’article 155 a rompu un tabou, sans provoquer de rébellion», relève le politologue Pablo Simon. Selon lui, M. Rajoy n’hésiterait pas à y avoir recours à nouveau si les indépendantistes recommençaient à violer la loi.

Un coût

Ceux-ci, divisés, auront d’ailleurs du mal à gérer leur victoire, «notamment parce que celui qui a remporté le plus de voix (l’ex-président Carles Puigdemont exilé en Belgique) est à l’étranger et que son retour n’est pas attendu», estime Oriol Bartomeus professeur de sciences politiques à l’université autonome de Barcelone.

Pour Ignacio Varela, les élections auront un coût pour Mariano Rajoy: les pressions pour qu’il résolve la crise catalane augmenteront à l’étranger. «Les électeurs du PP seront fortement tentés de reporter leur voix sur Ciudadanos» et son gouvernement, déjà minoritaire, sort affaibli de ce scrutin.

Il aura notamment du mal à obtenir les voix du parti nationaliste basque (PNV), dont il a besoin pour faire approuver le budget 2018, tant que des dirigeants nationalistes catalans seront sur le banc des accusés, prévoit-il.

Mais Anton Losada, professeur de sciences politiques à l’université de Saint-Jacques-de-Compostelle, croit au contraire que le chef du PNV, Iñigo Urkullu, qui a besoin des voix du PP pour continuer à gouverner le Pays basque, ne va pas lier son sort à celui des séparatistes catalans.

Vote utile

Il considérera «avoir rempli son devoir de solidarité avec la Catalogne» en menant en octobre une médiation entre Madrid et M. Puigdemont, dont ce dernier n’a pas voulu profiter.

Oriol Bartomeus relativise, comme Anton Losada, la menace que représente Ciudadanos pour le PP, premier parti d’Espagne. «La logique du vote utile, qui a poussé les électeurs catalans vers Ciudadanos parce que c’était la force qui pouvait gagner, jouera en faveur du PP aux législatives de 2020», dit-il.

A l’étranger, Mariano Rajoy a bénéficié d’un soutien sans failles de ses pairs et «aucun gouvernement de l’Union européenne n’a envie de se mêler de ce ‘bordel’», poursuit M. Losada.

L’année 2018 sera difficile pour M. Rajoy, qui a surmonté la crise économique et remporté deux législatives depuis son arrivée au pouvoir en 2011, «mais quelle année n’a pas été difficile pour lui?», demande M. Losada, qui lui a consacré une biographie. «Je crois qu’il ira jusqu’au bout de son mandat».

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