Les superlatifs s’entrechoquent pour analyser une période charnière et folle. En anticipant la fin des clivages partisans et l’envie de renouvellement, le plus jeune président depuis Bonaparte a même dégagé les dégagistes.
Le système, celui des petits fours et des emplois familiaux, cette politique à la papa, est bel et bien mort. De son magma en refroidissement a émergé Donald Trump, le Brexit et les barbelés de la frontière hongroise. Des bras d’honneur à l’Europe.
En France, ses fissures encore incandescentes ont laissé entrevoir l’intérieur de l’Élysée à Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Mais c’est Emmanuel Macron qui y est entré, leur claquant la porte au nez comme on sort de la cuisse de Jupiter. La présidente du Front national ne s’est pas relevée. Ses pochettes de couleur sont vides, ceux qui lui portaient sont partis ou un peu las. Le « lider maxi-mots » de la France insoumise a bien lutté tout l’été, puis s’est fait une raison dans un automne sans chimère. De Marseille, le député Mélenchon ne s’avoue pas vaincu. Il « repart à zéro ». Emmanuel Macron, lui, est désormais populaire, même à gauche.
Finalement, le décrochage estival dans les enquêtes d’opinion aura été le seul épisode « normal » de l’année politique. Le président de la République et son Premier ministre mal aimés avant même d’entamer les réformes de l’automne, on allait bien rire. Retrouver les fondamentaux de la vie politique, rentrée sociale en tête. Mais non. Même ça, 2017 l’a décoché de la feuille de route.
Cent ans après la révolution russe, le printemps aura tout déconstruit. Y compris les colères syndicales, les foyers de contestation étudiante. Dans la rue, les centrales divisées ont défilé sans conviction, prises au piège de la concertation et des ordonnances sur la loi Travail. La France qui ne vote plus, ou si peu, observe. Pas tout à fait résignée. Prudente. Et un peu fascinée quand même par ce type de tout juste 40 ans qui, au-delà de ses provocations de langage calculées, « fait ce qu’il dit ». La formule a souvent été entendue autour de la dinde à Noël. Elle accompagne des succès incontestables à l’international et des sondages le tirant à nouveau vers le haut.
« J’irai au bout de la recomposition politique« , assurait Emmanuel Macron à La Provence depuis son bureau de campagne parisien, le matin du débat de l’entre-deux tours de la présidentielle.
« Si je suis élu, ce sera sans Front républicain, mais je vais mener cette recomposition, de la social-démocratie au gaullisme. C’est cela, mon défi. Ces temps de recomposition nécessitent des alliages. On les a vécus au moment de la Révolution, de la période napoléonienne ou gaulliste. »Juste avant, il avait anticipé « les implosions de l’intérieur » chez les socialistes et Les Républicains. Fin stratège, celui que Jean-Luc Mélenchon, survivant épuisé de l’année folle, compare à Napoléon au Pont d’Arcole, avait certes devant lui tous les ingrédients d’un cocktail explosif. Mûri depuis la fin des idéologies basées autour de la lutte des classes, certes. Mais nourri d’une incroyable série hivernale.
Les primaires à droite avaient écarté Sarkozy et Juppé en novembre 2016. Celles à gauche avaient, après le flop Hollande de Noël, mis Valls de côté fin janvier, hissant Hamon, un frondeur incapable de rassembler les siens, sur un piédestal trop grand. « J’ai parfois l’impression de rouler sur une nationale où les feux passent au vert », nous avait confié Emmanuel Macron lors de ce même entretien de mai. C’était juste avant de filer, de se préparer pour le débat face à Marine Le Pen. Il faisait simplement l’effet d’un homme s’échauffant pour un match de tennis, un dimanche de printemps.
Emmanuel Macron doit un peu à la chance. Mais l’incroyable déconfiture du candidat Fillon n’est pas plus de son fait que les limites atteintes par Marine Le Pen et son programme axé sur la sortie de l’euro. La débandade post-hollandiste était, elle, plus prévisible. Cette année placée sous le signe du dégagisme aura, au final, dégagé tout le monde. Sauf le plus jeune et, sans doute, le plus malin. Si, parfois, sa classe biberon à l’Assemblée nationale fait sourire, elle incarne un fort vent de fraîcheur toujours promis, enfin tenu, aux Français. Ils ne se sont pas endormis pour autant.